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L'Afrique de l'Ouest affiche une certaine résignation face à la multiplication des attentats
Après le Mali et le Burkina Faso, c'est la Côte d'Ivoire qui a été touchée par une attaque terroriste dimanche 13 mars.
En Afrique de l'Ouest, les attaques terroristes de commandos djihadistes se revendiquant d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou d'Al-Mourabitoune, deux groupes terroristes qui collaborent à nouveau depuis quelques mois et la réconciliation du chef de guerre Mokhtar Belmokhtar avec Al-Qaïda, s'étendent comme une tache d'huile. Le 20 novembre 2015, c'était le Radisson Blu hotel de Bamako qui était attaqué (20 morts), le 15 janvier l'hôtel Splendid et le café Cappuccino à Ouagadougou (30 morts), puis dimanche 13 mars, c'était au tour de la Côte d'Ivoire d'être touchée après l'attaque sur la plage de la station balnéaire de Grand-Bassam (18 morts).
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Désormais, c'est le Sénégal qui s'attend à être le prochain sur la liste, comme si ces attaques avaient quelque chose d'implacable contre lesquelles il n'existe aucune solution. Selon SITE, le site de surveillance des sites web djihadistes, Aqmi a affirmé dans sa revendication de l'attaque de Grand-Bassam qu'elle a visé et visera encore les pays africains alliés militairement à la France dans la région.
«À qui le tour?»
«Après le Radisson Blu de Bamako, Splendid Hôtel et le Cappuccino à Ouagadougou, et maintenant le complexe hôtelier de Grand-Bassam, la question qui se pose dorénavant: à qui le tour?», s'inquiétait le journal burkinabé L’Observateur Paalga lundi 14 mars. «Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, le Sénégal doit se préparer, car après le Mali et le Burkina, la question était de savoir, qui de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal serait le premier. On est désormais fixé», ajoutait sur le même ton et le même jour Aujourd'hui, un autre quotidien burkinabé.
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Lors d'un reportage à Dakar au sujet de la lutte anti-terrorisme dans le pays, j'avais rencontré Henri Ciss, le porte-parole de la police sénégalaise, qui m'avait affirmé que si le maximum est fait en matière de travail de renseignement, surveillance des réseaux djihadistes et des frontières, «on ne peut parfois rien faire si un petit groupe d'hommes armés débarque dans une ville et ouvre le feu». C'est aussi ce que dit Emmanuel Beth, l'ancien commandant de la force française Licorne en Côte d'Ivoire sur Lemonde.fr: «L’attentat revendiqué par AQMI était prévisible, Abidjan étant une cible de choix, il était très difficile d’identifier et donc d’empêcher un petit groupe légèrement armé de passer à l’action.»
En Côte d'Ivoire, les services de sécurité étaient sur les dents depuis l'attaque de Ouagadougou en janvier, et l'état d'alerte maximale était déclenché à Abidjan où un plan antiterroriste avait été mis en place par le Conseil national de sécurité. Des patrouilles circulaient par exemple dans les rues du Plateau. «On savait que nous étions une cible, a confié à Jeune Afrique une source proche des services de renseignements ivoiriens. Nos amis nous avaient alerté grâce à des interceptions de communications satellites entre des jihadistes qui ciblaient le pays. On s’était déjà préparé».
Les armées nationales dépassées
Mais cette «résignation» de la classe politique et des responsables politiques et sécuritaires d'Afrique de l'Ouest n'est pas seulement liée à la nature des attaques terroristes: elle est aussi la conséquence du manque de moyens financiers des Etats pour s'adapter à cette nouvelle menace. «Le format des armées nationales face à ce type de terrorisme n'est pas adapté, et cette transformation n'a pas été préparée, dit Samuel Nguembock, chercheur à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Et les Etats de la région, qui sont engagés dans des plans de développement économique de grande ampleur pour accéder à l'émergence n'ont pas les moyens en parallèle pour mettre beaucoup d'argent dans la lutte anti-terroriste. Le Burkina Faso n'a par exemple par un fond souverain suffisant pour développer une politique sécuritaire moderne et dépend à ce titre des fonds internationaux.»
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Pourtant le Mali aussi bien que le Burkina Faso ou la Côte d'Ivoire font aujourd'hui le maximum pour éviter un nouvel attentat, et la «relative rapidité», comme l'écrit La Croix, de l'armée ivoirienne à intervenir sur la plage de Grand-Bassam dimanche – même si tout était loin d'être parfait –, montre qu'Abidjan s'attendait à cette attaque et l'avait anticipé du mieux possible.
Mais les populations comme les gouvernements d'Afrique de l'Ouest savent aujourd'hui que les djihadistes, qui veulent détruire l'économie touristique de ces pays coupables à leurs yeux d'être engagés militairement aux côtés de la France, peuvent frapper n'importe où dès qu'un dispositif de sécurité se relâche ou n'est pas optimal.