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Docteur Seif and Mister al Islam
Seif al Islam Kadhafi est insaisissable au sens propre comme au sens figuré. Son parcours rappelle les aventures du docteur Jekyll et de Mister Hyde.
Depuis la mort de Mouammar Kadhafi, Seif al Islam est le membre le plus recherché du clan. Il reste doublement insaisissable. Au sens propre, car les forces armées du nouveau régime libyen n’arrivent pas à lui mettre la main dessus; au sens figuré, car les biographes et les psychologues ont du mal à saisir le profil de l'ancien dauphin présumé du Guide de la Jamahariya arabe libyenne.
Il y a en Seif al Islam Kadhafi des airs du personnage créé par Robert Louis Stevenson et publiée en janvier 1886 dans «L'Étrange cas du docteur Jekyll et de mister Hyde». Le monstrueux Edward Hyde prit finalement le dessus sur le philanthrope Henry Jekyll…
Comment distinguer le sincère de l’hypocrite?
Seif vs. al Islam
- Le jour, docteur Seif prend des poses de réformiste moderne, pratiquant un anglais élégant, un allemand feutré et un français honorable. La nuit, mister al Islam vocifère une langue guerrière et postillonne comme un chien de guerre.
- Le menton glabre, le playboy docteur Seif aime enfiler son smoking et s’en aller baiser quelques mains des familles Rothschild, Grimaldi ou Windsor.
Mister al Islam, lui, arbore keffieh, tunique blanche de bédouin, barbe de tribun sur mâchoire crispée, et mord volontiers les mains tendues.
- Docteur Seif a obtenu son doctorat à la London School of Economics, pour une thèse intitulée «Le rôle de la société civile dans la démocratisation de la gouvernance globale des institutions: du 'soft power' à la décision collective».
Adepte des instruments tranchants, mister al Islam, lui, n’aurait-il pas plutôt une vocation de docteur en chirurgie? Mais le doctorat londonien aurait été plagié et le chirurgien se révèle un boucher…
- Docteur Seif obtient, en 1995, un diplôme d'architecte qui aurait dû lui permettre de construire des cités favorables à la coexistence pacifique.
En 2011, mister al Islam soutient les bombardements qui détruisent les ouvrages architecturaux de Misrata.
- Moderne, docteur Seif mena campagne pour l'ouverture de la Libye aux médias privés, lançant, lui-même, un groupe de médias, Al-Ghad, composé de la première chaîne de télévision privée libyenne, ainsi que des deux premiers journaux privés de Libye.
Mister al Islam, lui, continue d’user d’une propagande moyenâgeuse. Les médias privés de docteur Saïf finirent par être nationalisés…
- Docteur Seif, peintre qui s’auto-exposa à Londres, en 2002, semble fasciné par les giclées vermeilles, écarlates et pourpres.
En 2011, c’est au rouge de «rivières de sang» que mister al Islam, «coordinateur général des Commandements populaires et sociaux», promet de repeindre les rues de Libye.
- Docteur Seif, président de la Fondation internationale Kadhafi pour la charité et le développement, prônait la paix, l’amour, la générosité et l’entente entre les peuples.
Mister al Islam, lui, est sous le coup d'un mandat d'arrêt émis par la Cour Pénale Internationale et Interpol, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Un concentré de contradictions
- En 2008, Docteur Seif effectua une visite diplomatique à Washington.
Mister al Islam, pourtant, condamnera, comme son père, le Grand Satan américain qui tenterait de manipuler le peuple libyen. Docteur Seif, ami de l'Occident, cédera devant Mister al Islam, garant de la ligne nationaliste du régime Kadhafi.
- En 2009, au sommet extraordinaire de l’Union africaine de Tripoli, Docteur Seif, Premier ministre de facto, applaudit son père qui appelait à la fermeture de toutes les ambassades israéliennes sur le continent, arguant que l’Etat d’Israël constituait un véritable «gang».
En 2006, mister al Islam aurait tenté de dissimuler, en Italie, une liaison sulfureuse avec la plantureuse actrice israélienne Orly Weinerman. Peut-être une manière de noyauter un Etat accusé par l’ancien pouvoir libyen «d’être derrière tous les conflits en Afrique».
- En 2007, Docteur Seif entamait un dialogue avec les islamistes libyens. En mars 2011, mister al Islam déclarait que «des islamistes fanatiques et fondamentalistes» complotaient «depuis des mois avec Al Qaida». En juillet, Docteur Seif annonçait, au New York Times, vouloir faire un pacte avec les islamistes. À la même période, mister al Islam déclarait que ceux-ci étaient des «terroristes sanguinaires pas gentils». Ça frise le dédoublement de personnalité…
- Docteur Seif est copain du footballeur sénégalais El Hadji Diouf. Mais ce sont les adversaires du régime de son père que mister al Islam aime dribbler et tacler.
- Côté pile, Docteur Seif, par des «contacts informels» avec la Cour pénale internationale, aurait exprimé le souhait d’être transféré dans une cellule de La Haye pour être protégé par ses accusateurs de l'instance juridique.
Côté face, Mister al Islam userait d'argent liquide et d'or pour tenter de rejoindre un pays voisin de la Libye; peut-être le Niger, auprès de nomades touareg.
Schizophrène? Peut-être Docteur Seif / Mister al Islam n’est-il tout simplement, comme son père, qu’un comédien très doué. Il pourrait mourir sur scène.
Damien Glez
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