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Sud-Soudan: l'indépendance dans la douleur
Si les Sud-Soudanais ont voté massivement pour la sécession en janvier dernier, il est crucial pour le 54e Etat africain de maintenir la paix ainsi que de bonnes relations avec le Nord pour que la réussite soit totale.
«Quand on ne peut plus vivre ensemble, il vaut toujours mieux se séparer pour rester de bons amis», dit un proverbe Natemba.
Le Nord et le Sud du Soudan sont pratiquement parvenus à cette situation de fait, et le gouverneur du Sud-Soudan, Salva Kiir Mayardit, a traduit la même chose lorsqu’il a déclaré à propos du Nord-Soudan que l’indépendance n’était «pas la fin de la route, parce que nous ne pouvons pas être ennemis».
Le Sud-Soudan est en effet désormais indépendant. A l’issue du référendum qui s’est déroulé du 9 au 15 janvier 2011, 98,83% de Sud-Soudanais ont voté pour cette indépendance —contre seulement 1,17%. Il devient ainsi le 54e Etat africain et le 193e du monde.
La communauté internationale a unanimement salué l’organisation du référendum sous les auspices de l’Organisation des nations unies (ONU). Pour son Secrétaire général Ban Ki-moon, il s’agit d’une «grande réussite». Aussi a-t-il invité Khartoum et Juba à «pouvoir remplir leur engagement de maintenir la paix et la stabilité pendant cette période cruciale».
Catherine Ashton, la responsable de la diplomatie de l’Union européenne, n’a pas manqué de réaffirmer que l’Union européenne «souhaitait développer un partenariat étroit et de longue durée avec le Sud-Soudan».
Les Etats-Unis, qui soutiennent depuis toujours le Sud-Soudan dans le cadre de l’accord de paix signé en 2005, ne sont pas restés silencieux. A travers Hillary Clinton, ils ont exhorté «les dirigeants sudistes et nordistes à continuer à travailler ensemble, en vue d’une mise en application complète» de l’accord de paix en question.
A la veille du scrutin référendaire, déjà, de violents heurts avaient opposé Nordistes et Sudistes qui rentraient pour aller accomplir leur devoir civique. Sans oublier ceux de la région d’Abyei que les deux parties se disputent encore —et qui va elle aussi se déterminer librement ultérieurement, le référendum prévu le 9 janvier 2011 ayant été reporté sine die.
Au demeurant, 20% de la démarcation de la frontière reste contestée, et les Sudistes qui vivent au Nord ne sont toujours en sécurité. Autant d’éléments qui montrent que le plus dur reste à éprouver concernant l’accord de paix, surtout sur le partage des ressources pétrolières qui se trouvent sur le territoire du Sud-Soudan.
«Les résultats du référendum sont bien connus. Le Sud-Soudan a choisi la sécession. Mais nous nous engageons à maintenir les liens entre le Nord et le Sud ainsi que de bonnes relations fondées sur la coopération».
Telle a été la déclaration du président du Nord-Soudan Omar El Béchir devant ses partisans réunis à Khartoum. Mais de la profession de foi à la réalité, il y a deux pas. Et l’une et l’autre des parties au conflit doit pouvoir en faire un, pour concrétiser des relations de paix, de coopération et de bon voisinage.
Dans une déclaration solennelle de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, l’Union africaine a, pour sa part, reconnu le nouvel Etat. En outre, elle a appelé «les parties soudanaises à régler rapidement les questions pendantes dans l’accord de paix global, y compris le règlement de la question d’Abyei, l’organisation de consultations populaires dans les Etats Sud Kordofan et le Nil Bleu, la démarcation de la frontière commune et le règlement du statut des zones contestées», tout en exhortant le Nord et le Sud à trouver rapidement un accord sur les questions post-référendaires, notamment sur la citoyenneté et la sécurité, pour lesquelles la déclaration recommande «la promotion d’une frontière "souple"».
De toute évidence, du règlement de toutes ces questions en suspens dépendra, pour une large part, l’édification du Sud-Soudan détruit par des années de guerre civile, et où pratiquement tout est à construire. Sous perfusion financière internationale depuis longtemps, il lui faudra en effet encore du temps et des moyens importants pour asseoir une administration et des services qui marchent. Un grand défi qu’il ne saurait relever tout seul.
Marcus Boni Teiga