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Des policiers devant un grafiti à proximité de la place Tahrir au Caire, le January 25, 2016
Des policiers devant un grafiti à proximité de la place Tahrir au Caire, le January 25, 2016

Comme dans «1984», l'Etat égyptien veut effacer la révolution des mémoires

Ce 25 janvier, cinquième anniversaire de la révolution égyptienne, l'armée est déployée dans les rues du Caire.

À la vue du spectacle dans les rues du Caire lundi 25 janvier, difficile de se dire que la population égyptienne commémorait le cinquième anniversaire de la révolution de 2011, qui avait jeté le dictateur Hosni Moubarak hors du pouvoir. Dans la capitale égyptienne, où les principales avenues sont bouclées par l'armée, tout a été fait depuis quelques jours pour limiter les références au 25 janvier 2011, date à laquelle avait débuté les manifestations contre le régime de Moubarak.

Les médias égyptiens ont rapporté depuis plusieurs jours de nombreuses interventions de militaires contre des civils dans des appartements de la capitale. «Les services de la police égyptienne ont intensifié les raids dans des appartements privés ces derniers jours, dans le but d'empêcher des manifestations potentielles et des "comportements criminels"», note le site d'informations Egyptian Streets, qui ajoute que de nombreux militaires ont également été déployés autour de la place Tahrir.

«Les trois dernières semaines ont vu un niveau d'opérations de sécurité sans précédent contre des activistes de différentes factions politiques», analyse Zeinobia, un blogueur, sur le site Egyptian Chronicles.

«In our minds»

Le site BuzzFeed a récolté les témoignages de plusieurs résidents du centre-ville du Caire qui ont expliqué que la police faisait des fouilles et demandait à vérifier les comptes Facebook des habitants. Ramy Raoof, un spécialiste en sécurité numérique basé au Caire, a précisé à BuzzFeed que les policiers vérifiaient au hasard les comptes Facebook pour avoir une idée de l’état d’esprit dans les rues avant l’anniversaire de la révolution. 

Sur le réseau Twitter, de très nombreux utilisateurs ont posté des messages avec le hashtag #25jan, pour dénoncer les actions du régime de Abdel Fattah al-Sissi, le président égyptien.

«#25jan est en trending topic (les mots clés les plus recherchés sur Twitter). Cela sera difficile d'enlever la révolution de nos mémoires», écrit par exemple Hume-Ferkatadji, journaliste au Caire. 

Neil Warner, un autre utilisateur, affirme:

«Sisi, soutenu par les pays occidentaux, a renversé la révolution du 25 janvier. Mais aucun tyran ne peut changer ce que les manifestants de 2011 ont appelé la révolution "dans nos esprits"».

Cette répression du régime égyptien, qui découle lui-même des changements entraînés dans la société égyptienne par la révolution du 25 janvier, évoque par plusieurs aspects le livre «1984» de George Orwell. S'il est facile d'esquisser une métaphore d'Al-Sissi en un Big Brother qui espionne son peuple, le comportement de la police égyptienne qui surveille les publications des citoyens et s'introduit dans les appartements privés pour savoir qui soutient ou non la révolution, rappelle également celui de la Police de la pensée dans l'oeuvre d'Orwell. Et la tentative des autorités égyptiennes de minimiser la révolution du 25 janvier évoque la politique du Parti intérieur qui, dans «1984», réécrit chaque jour le passé pour mieux renforcer son emprise sur le peuple.

Mais face à un pouvoir qui tente d'effacer la révolution des livres d'histoire, les Egyptiens résistent mentalement. 

Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

Ses derniers articles: Le roi du Maroc accusé d'avoir ignoré des preuves de violences policières dans le Rif  Un fossile de dinosaure marocain découvert... sur Facebook  L'élection présidentielle annulée au Kenya, une avancée pour le continent 

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