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Des centaines de manifestants dans le centre-ville de Kasserine, le 21 janvier 2016. Crédit photo: REUTERS/Amine Ben Aziza
Des centaines de manifestants dans le centre-ville de Kasserine, le 21 janvier 2016. Crédit photo: REUTERS/Amine Ben Aziza

La corruption, le fruit pourri qui révolte la jeunesse de Kasserine

Depuis plusieurs jours, des émeutes violentes secouent cette ville défavorisée du centre de la Tunisie.

Impossible devant les images qui nous parviennent de Kasserine, ville du centre de la Tunisie où des émeutes ont éclaté depuis le 17 janvier, de ne pas se rappeler de la colère qui avait poussé les habitants de Sidi Bouzid à descendre dans la rue, le 17 décembre 2010, et à poser sans le savoir la première pierre de la révolution tunisienne. 

Il y a cinq ans, c'était l'immolation de Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de fruits et légumes dont la marchandise avait été confisquée par les autorités, qui avait déclenché les manifestations. En ce début d'année 2016, c'est le décès d'un chômeur de 28 ans, Ridha Yahyaoui, mort électrocuté le 16 janvier après être monté sur un pylône pour protester contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique, qui a mit le feu aux poudres. 

«Les marchés publics ont été détournés»

La ressemblance entre les deux situations ne s'arrête pas là. Distantes d'à peine plus de 50 kilomètres, Kasserine et Sidi Bouzid sont deux villes du centre de la Tunisie, région défavorisée du pays, où les habitants se sentent abandonnés par le gouverment de Tunis. 

Les incidents qui secouent Kasserine depuis cinq jours ont donc une lourde signification dans un pays où la population, et encore plus les jeunes, souffrent de la crise économique. L'étendue de la corruption rend les inégalités encore plus difficiles à supporter pour les populations exclues du marché du travail. 

Des affrontements entre manifestants et policiers à Kasserine, le 20 janvier 2016. Crédit photo: REUTERS/Amine Ben Aziza

À Kasserine, il existe de nombreux exemples de la mauvaise gestion économique de la ville, pointe le site d'informations tunisien Nawaat. En septembre 2012, la municipalité avait par exemple signé un accord avec Al-Khaldounia, une association locale, pour rénover le jardin public du centre-ville et y installer une statue en hommage aux martyrs. Mais si depuis des fonds ont été débloqués, les travaux n'ont jamais commencé. 

«Non seulement les marchés publics ont été détournés pour le compte du délégué et de ses amis, mais en plus, rien n’a été fait dans les chantiers promis. Depuis 2011, aucun projet n’a abouti. La ville de Kasserine souffre d’une dégradation de l’environnement communal comme les espaces verts, mais aussi de l’infrastructure routière. Nous ne savons même pas où l’argent a été dépensé», a confié à Nawaat le président de la délégation régionale des architectes.

Walid, un Tunisien de 28 ans qui habite Kasserine, raconte à Le Monde la corruption qui touche le marché de l'emploi local:

«Si tu veux trouver un boulot, il faut payer entre 2 000 et 3 000 dinars [entre 1 000 et 1 500 euros] ou être bien introduit», dit-il.

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Président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), Abderrahman Hedhili a expliqué à l'AFP que ces évènements «étaient depuis longtemps prévisibles». «Nous avons averti que la situation sociale allait exploser. Les gens ont attendu (...) mais le gouvernement n'a pas de vision, pas de programme pour les régions intérieures».

Alors que la Tunisie ne parvient pas à relancer son économie, le chômage dépasse 15% au niveau national et atteint le double chez les diplômés. Ces taux sont encore supérieurs dans l'intérieur du pays. En 2015, la croissance devrait être inférieure à 1%, notamment plombée par la crise du secteur touristique, conséquence de l'instabilité et des attaques jihadistes.

Slate Afrique

La rédaction de Slate Afrique.

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