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Quand la guerre des bitcoins déchire le Kenya
Les autorités kenyanes font la chasse à la monnaie virtuelle, et tous les moyens sont bons.
En Afrique, le Kenya est LE pays de l'argent «mobile», monnaie virtuelle qui permet de régler de nombreux factures via son smartphone. Le service le plus connu est nommé M-Pesa («M» pour mobile, et Pesa signifie paiement en swahili). Dans un reportage, qui a été traduit en français sur le site Ulyces, le journaliste américain Charles Graeber racontait comment il avait passé 10 jours au Kenya en ne payant que via de l'argent mobile. Du taxi au restaurant.
Mais l'argent virtuel a parfois une odeur. C'est en tout cas ce que pense la Banque centrale kényanne. Comme le rapporte le site d'informations Quartz, les autorités bancaires kényanes font ces jours-ci une vaste campagne de publicité dans les journaux locaux pour avertir les citoyens sur le danger d'utiliser des bitcoins comme monnaie.
CBK - "Bitcoin and similar products are not legal tender nor are they regulated in Kenya" #statusquo pic.twitter.com/mdmkxTGMUx
— Winter soldier (@Neloversion) 15 Décembre 2015
«Les bitcoins et les produits similaires ne sont légaux ni régulés au Kenya».
Quartz indique aussi que la Banque centrale ne se range pas seulement du côté des autorités kényanes. Elle intervient aussi en plein conflit entre Safaricom, premier opérateur télécoms du Kenya et détenteur du service M-pesa, et des start-up spécialisées dans les transferts de fonds, comme Bitpesa, qui permettent à leurs utilisateurs d'envoyer de l'argent changé en bitcoin pour éviter la surtaxe qui accompagne les virements traditionnels en Afrique.
Bitpesa est aussi au gouvernement
De part et d'autre de ce bras de fer, Safaricom tente de garder son monopole sur les transferts d'argent mobile, et Bitpesa veut se tailler sa part du marché et défend sa position en affirmant que rien ne justifie l'interdiction des bitcoins. Dans un post de blog publié le 14 décembre, Bitpesa critiquait également la position de Safaricom dans cette affaire:
«Malheureusement, il y a quelques semaines, Safaricom a forcé l'un de nos partenaires à cesser son business avec nous avec l'ordre de nous tenir à l'écart de M-pesa».
Avant d'ajouter:
«Le fait que Safaricom agit contre nous montre que nous avons déjà gagné».
Dans cette «guerre» de l'argent mobile, Bitpesa a d'ailleurs placé ses pions, malgré l'opposition de la Banque centrale et de Safaricom, qui à eux deux pèsent lourd dans le paysage. Joseph Musera, l'un des membres du conseil d'administration de Bitpesa, a en effet été nommé au gouvernement comme secrétaire d'Etat aux communications et aux nouvelles technologies. Il s'est exprimé dans le journal local Business Daily pour dire son mécontentement de la situation.
«Ce serait un mauvais jour si nous échouons à comprendre cela [les bitcoin] car nous avons peur. Le Kenya ne peut pas être le premier centre technologique d'Afrique si nos propres régulations étouffent l'innovation.»