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Le cinéma africain se libère des clichés de Hollywood
Changer de regard sur le continent africain, c'est tout l'enjeu du Festival du film africain qui se déroule à Londres du 3 au 13 novembre 2011. Les cinéastes du continent défient l'industrie cinématographique américaine en proposant, à travers leurs films, une nouvelle vision de l'Afrique. Durant ces dix jours, documentaires, rencontres avec réalisateurs et acteurs, débats, et plus de 50 films sont projetés dans le but d'apporter une vision de l'Afrique différente de celle proposée par Hollywood. Parler de l'Afrique par les Africains en somme. Et cesser de dresser le portrait d'un continent ravagé par la famine, la guerre et la pauvreté. C'est ce qu'explique l'auteure nigériane Chimamanda Adichie, à travers son combat contre la vision unique de l'Afrique:
«Le problème de cette vision n'est pas qu'elle est fausse, mais qu'elle est incomplète. A force d'entendre parler de l'Afrique seulement pour ses catastrophes humanitaires, ses massacres et autres tragédies, il s'installe un sentiment de pitié à l'égard des Africains qui n'est pas représentatif de ce qu'est l'Afrique dans son ensemble.»
Le ton est donné: il s'agit de parler de l'Afrique telle qu'elle est et non telle qu'elle est perçue par les Occidentaux. En d'en finir avec les clichés. Parmi les 50 films proposés: Koundi et le jeudi national, un documentaire de la réalisatrice camerounaise Ariane Astrid Atadji, prix du jury du Festival du film de Dubaï 2010, qui a également reçu le prix du meilleur documentaire au Festival du film africain de Tarifa en 2011. Dans ce documentaire, on suit les habitants d'un village camerounais qui ont créé et gérent eux mêmes une plantation de cacao pour sortir de la pauvreté, sans attendre une quelconque aide extérieure. Le film du réalisateur tchadien Mahamat Saleh Haroun, Un homme qui crie, est également l'une des grandes affiches du festival. Prix du jury à Cannes en 2010, il offre un regard africain sur le Tchad contemporain, tout juste remis des atrocités de la guerre. Le documentaire événement de l'année 2010 en France, Benda Bilili fait aussi partie de la programmation du festival. Réalisé par les Français Renaud Barret et Florent de La Tullaye, le documentaire suit le parcours d'un orchestre de musiciens handicapés originaire de Kinshasa, en République démocratique du Congo. Un pied de nez aux clichés habituels que ces musiciens autochtones qui se sont démenés pour vivre de leur passion dans un pays pourtant ravagé par des décennies de guerre.
Hannah Pool, la réalisatrice de My father's Daughter explique:
«Ce sont là des films qui, à travers leurs histoires et contrairement à la vision hollywoodienne de l'Afrique, où un héros Blanc vient sauver la population locale —comme c'est par exemple le cas dans Blood Diamond—, dressent le portrait d'un continent aux multiples facettes. Il est temps de les écouter.»
Le cinéma nigérian a par ailleurs devancé les Etats-Unis en devenant en 2010 la deuxième puissance cinématographique au monde, derrière l'Inde, en terme de production de films par an: deux milles en 2010. Après Bollywood, place à Nollywood. DiCaprio n'a qu'à bien se tenir, l'Afrique racontée par les Africains a bien l'intention de se faire entendre.
Lu sur Think Africa Press, The Guardian
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