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Des caisses saisies dans le port de Lagos, Nigeria, le 27 octobre 2010. REUTERS/Akintunde Akinleye
Des caisses saisies dans le port de Lagos, Nigeria, le 27 octobre 2010. REUTERS/Akintunde Akinleye

Le Sénégal, la Gambie et les armes iraniennes

La découverte d'un arsenal destiné aux rebelles de Casamance a conduit à la rupture des relations diplomatiques entre le Sénégal et l'Iran, ainsi qu’à une crise avec la Gambie, par où les armes auraient transité.

«Les pays n’ont pas d’amis mais des intérêts.» Cette vérité du Général de Gaulle, le président du Sénégal Abdoulaye Wade l’a apprise à ses dépens, lui qui a découvert avec stupéfaction que son nouvel ami iranien armait en douce les rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) par l’intermédiaire de la Gambie.

Tout est parti de la saisie d’une cargaison d’armes par la police nigériane en octobre 2010. En provenance d’Iran, ces treize conteneurs remplis d’armes lourdes étaient destinés à la Gambie. Une découverte qui donne des sueurs froides à Dakar, au point que la présidence rappelle son ambassadeur en Iran pour consultations.

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad dépêche manu militari son ministre des Affaires étrangères au Sénégal le 19 janvier 2011. Mais, coup de théâtre, ce dernier est démis de ses fonctions alors qu’il se trouve encore sur le sol sénégalais. Une autre couleuvre que le président du Sénégal décide d’avaler en choisissant de renouer avec l’Iran quelques jours après.

L’Iran accusé d’armer les rebelles du MFDC

Mais, dans la région Sud du Sénégal, les rebelles reprennent du poil de la bête. Ils infligent de lourdes pertes à l’armée sénégalaise aux prises avec une guérilla depuis 1982. Ce qui, au départ, n’était qu’une simple jacquerie s’est transformé au fil des ans au point d’hypothéquer l’avenir de cette riche région.

En quatre mois, 19 militaires sénégalais sont tués par les rebelles du MFDC avec des balles iraniennes, selon les termes du communiqué du ministère des Affaires étrangères. Malgré ces lourdes pertes, le président sénégalais promet d’insérer les anciens combattants du MFDC dans la vie civile avec des emplois à la clé. Le lendemain, un militaire invalide du nom d’Oumar Bocar Bocoum s’immole par le feu devant les grilles du palais présidentiel.

Ces évènements font grincer des dents dans la grande muette. Un rapport du chef d’état major général des armées du Sénégal a fait notamment état d’armes iraniennes sophistiquées détenues par les combattants du MFDC. Une raison suffisante pour que le Sénégal rompe avec l’Iran, officiellement le 23 février.

Annonçant la rupture, Me Madické Niang, le ministre d’Etat sénégalais en charge des Affaires étrangères, affirme avec force que Dakar ne peut plus continuer à coopérer avec un Etat qui cherche à le déstabiliser, fût-il comme le Sénégal membre de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI).

Une trêve fragile avec la Gambie

Cette décision, annoncée lors de la 4e commission consultative sur le suivi de la coopération entre la Gambie et le Sénégal, étonne. L’opinion publique sénégalaise comprend difficilement que le Sénégal rompe avec l’Iran en oubliant la Gambie.

Le pays de Yahya Jammeh est au centre de cette rocambolesque affaire de trafic d’armes; la Gambie est identifiée par les éléments de l’enquête comme étant le pays de transit de ces armes. Le ministre des Affaires étrangères iranien a affirmé que les armes étaient destinées à la Gambie, ce que le gouvernement de Yahya Jammeh a violemment réfuté. 

Dans un communiqué de la présidence gambienne lu par le Dr Njogu Bah après la découverte des armes, Yahya Jammeh déclare:

«La position gambienne sur la crise en Casamance [région située au sud-ouest du Sénégal, ndlr] depuis 1994 a été et sera toujours de travailler en harmonie avec le gouvernement et le peuple du Sénégal pour le développement socio-économique rapide de nos deux peuples.

Malheureusement, notre bonne volonté, notre sincérité et la fraternité que nous portons à nos frères et sœurs sénégalais n’ont jamais été récompensées par les gouvernements du Sénégal. Les choses se sont empirées sous la présidence d’Abdoulaye Wade, qui ne nourrit aucune bonne intention envers la Gambie et son peuple.

Le Sénégal a toujours voulu la violence comme moyen de résoudre le problème de la Casamance, une proposition rejetée par la Gambie. Cela n’a jamais plu à l’ancien président Abdou Diouf et son gouvernement, qui a préféré la solution militaire. Nous avons été accusés de soutenir le MFDC, simplement parce que le président de la Gambie est un Jola.»

Dans son édition du 24 février 2011, le quotidien sénégalais Kotch publie une enquête sur les réseaux d’armement de Yahya Jammeh. Selon le journal, le président gambien a souvent été mêlé à des histoires de trafic international d’armes et de diamants dans lesquelles certains de ses proches furent épinglés par l’Organisation des Nations unies.

Malgré ces éléments concordants impliquant la Gambie, le Sénégal choisit de mettre en place un secrétariat permanent pour sécuriser la frontière. Le ministre des Affaires étrangères sénégalais, Madické Niang, affirme à ce propos que le Sénégal et la Gambie vont travailler «main dans la main» pour sécuriser les frontières.

«Nous avons décidé de faire des patrouilles communes entre nos frontières. Les polices sénégalaise et gambienne vont travailler ensemble pour la surveillance stricte des frontières. Nous ne voulons pas que la Gambie soit un refuge pour les éléments du Mouvement des forces démocratiques de Casamance et que le Sénégal accueille des ennemis de la Gambie», argue-t-il.

Une alliance fortement décriée par l’opinion publique sénégalaise. Pour l’heure, le Sénégal et la Gambie ont signé une trêve dans leurs relations en dents de scie. Jusqu’à quand?

Ndèye Khady Lo

Ndèye Khady Lo

Journaliste sénégalaise.

Ses derniers articles: Les ferrailleurs sénégalais en guerre contre les Chinois  Sénégal, requiem pour le «Sopi»  Peur sur Dakar 

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