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Il n'est pas beaucoup plus moral de vendre les Mistral à l'Egypte plutôt qu'à la Russie
Le régime d'Abdel Fattah al-Sissi est régulièrement accusé de bafouer les droits de l'homme.
Le dossier est considéré comme bouclé. Le Caire va acquérir les deux navires Mistral que la France devait initialement livrer à la Russie, avant que l'accord ne soit annulé. Paris a assuré que la vente n'entraînerait pas de perte financière par rapport au contrat initial, rapporte l'AFP.
L'Egypte va acquérir les deux #Mistral non livrés à la Russie http://t.co/5f3nneHfM9 #AFP
— Agence France-Presse (@afpfr) September 23, 2015
La France avait annoncé début août l’annulation de la vente à la Russie – conclue en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy – des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral, une décision dont le coût s’élèvait 950 millions d’euros, la somme remboursée aux autorités russes. Des négociations étaient depuis lors en cours avec une dizaine de pays.
Le président français François Hollande avait refusé de livrer les Mistral à la Russie en pleine crise politique entre le pays de Poutine et l'Union européenne au sujet du conflit dans l'est de l'Ukraine qui oppose les forces gouvernementales aux forces séparatistes soutenues par Moscou. Mais est-il vraiment plus moral de vendre deux navires de guerre à l'Egypte?
L'Egypte d'al-Sissi bafoue régulièrement les droits de l'homme
De nombreuses ONG et organisations pour les droits de l'homme dénoncent régulièrement la répression politique menée par le régime du président Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis l'été 2013. Dans un rapport daté du 11 février 2014, Amnesty International pointait de nombreuses violations des droits de l'homme de la part du régime. Extrait.
«Amnesty International s'inquiète de voir les autorités égyptiennes user de toutes les branches de l’État pour bafouer les droits humains et écraser la dissidence. Elles disposent de tous les moyens nécessaires pour entraîner le pays encore plus loin sur le chemin de la répression: législation répressive et, notamment, la dernière loi sur la liberté de réunion, forces de sécurité non tenues de répondre de leurs actes, prêtes à appliquer ladite loi contre les opposants politiques, et système judiciaire complaisant qui sanctionne les critiques tout en permettant aux auteurs des violations des droits humains de rester libres.»
Selon Amnesty International, entre 16 000 et 40 000 personnes ont été emprisonnées de manière arbitraire depuis l'arrivée au pouvoir d'al-Sissi.
L'Egypte s'est rapprochée de la Russie
De graves atteintes à la liberté de la presse sont également dénoncées dans le pays. Dans son classement 2014 de la liberté de la presse dans le monde, Reporters sans frontières (RSF) a classé l'Egypte au 158e rang (sur 180).
«Au nom de la lutte contre le terrorisme, les autorités égyptiennes, incarnées par le général Sissi, s’en prennent systématiquement aux médias affiliés aux Frères musulmans, ou considérés comme proches de la confrérie. Rien qu’en 2014, au moins 30 journalistes ont été arbitrairement interpellés, accusés d’avoir participé ou organisé des manifestations ou de soutenir une organisation terroriste. Les autorités continuent d’utiliser des prétextes fallacieux pour les maintenir en détention», affirme RSF.
Le gouvernement égyptien est par ailleurs régulièrement critiqué pour son manque de transparence au sujet des opérations militaires d'envergures qui sont menées contre plusieurs organisations terroristes à travers le pays, dont la branche égyptienne de l'Etat islamique très active dans le Sinaï. Le 13 septembre, c'est dans la région du désert occidental que huit touristes mexicains et leurs guides avaient été tués par accident dans un raid de l'armée. Le président mexicain Enrique Pena Nieto a réclamé une enquête «exhaustive, approfondie et rapide» à l’Egypte sur ce drame «sans précédent».
Enfin, Vladimir Poutine en personne s'était déplacé au Caire en février 2015. Cette visite avait pour but de «renforcer l'influence de la Russie dans ce pays, dont les relations avec le grand allié américain sont quelque peu assombries par la sanglante répression visant toute opposition», indiquait l'AFP dans une dépêche. À l'issue de cette visite, les deux pays avaient décidé de renforcer leur coopération militaire. Une preuve de plus que l'Egypte n'est pas si différente de la Russie?