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Le sud des États-Unis commence enfin à affronter son passé esclavagiste
Pour la première fois, une plantation de Louisiane démarre sa visite par les cabanes d’esclaves et termine par la demeure des propriétaires, mettant fin ainsi à la version romantique de l’histoire du Sud.
Le 7 décembre 2014, la plantation Whitney a ouvert ses portes en Louisiane et la presse américaine l’a d’emblée qualifiée de premier musée sur l’esclavage aux États-Unis. Cela peut paraître étonnant cent-cinquante ans après la fin de la guerre de Sécession mais, s’il y a eu de nombreuses expositions sur le sujet, cette plantation est bien l’unique lieu entièrement dédié à la mémoire de l’esclavage.
Sur la propriété, on visite des cabanes d’esclaves, un atelier de forgeron, une prison d’esclaves, une église et la demeure des propriétaires. À l’extérieur, il y a plusieurs monuments à la mémoire des esclaves, notamment des stèles de granit avec les prénoms de 107.000 esclaves ayant vécu en Louisiane avant 1820. Un peu partout, on peut lire des citations recueillies auprès d’anciens esclaves dans les années 1930, comme celle-ci:
«Nous ne pouvions pas apprendre à lire et à écrire, et le maître disait que, s’il découvrait qu’un de ses esclaves essayait d’apprendre, il l’écorcherait vif.»
Après s’être rendu à la plantation, le maire de la Nouvelle Orleans, Mitch Landrieu, avait comparé l’expérience à la visite d’Auschwitz:
«Quand vous rentrez dans cet espace, vous ne pouvez pas nier ce qui est arrivé à ces gens. Vous pouvez le ressentir, le toucher, le sentir.»
Contrairement à la plantation Whitney, la plupart des autres plantations touristiques du sud des États-Unis parlent des esclaves de manière secondaire, voire pas du tout. C’est surtout la vie des propriétaires blancs qui est mise en valeur. Les touristes viennent voir la splendeur de ces demeures, le mobilier, les jardins, les belles robes de l’époque. Beaucoup font d’ailleurs hôtel et peuvent être louées pour des mariages. On est très loin d’une expérience qui pourrait être comparée à la visite de camps de concentration.
Par exemple, la plantation Houmas House a une page de son site internet dédiée à l’histoire du site, mais le mot esclave n’y est écrit nulle part. On lit que cette plantation produisait plus de sucre que toutes les autres du pays mais il n’est pas précisé que ce record a pu être atteint grâce au travail d’environ sept-cent-cinquante esclaves venus d'Afrique. Les touristes viennent voir un joli monde de galanterie et de bals à la Autant en emporte le vent, pas le monde brutal des plantations tel qu’il est décrit dans un autre film sur la période, 12 years a slave. La séparation des familles d'esclaves lorsqu'ils étaient vendus, ou encore les viols de femmes par les propriétaires ne sont pas mentionnés.