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Le procès de deux gays reflète le débat qui polarise le Maroc
Deux Marocains âgés de 25 et 38 ans sont jugés pour avoir "violé la pudeur public" à proximité de la tour Hassan de Rabat.
Un procès lourd de sens s'ouvre au Maroc ce mardi 16 juin. Deux hommes gays sont jugés pour avoir "violé la pudeur public" lors de prises de photos réalisées à Rabat début juin sur le site très touristique de la tour Hassan. Les deux Marocains risquent trois ans de prison, selon l'article 489 du code pénale du Royaume qui punit l'homosexualité.
L'annonce de leur arrestation avait été faite par la télévision d'Etat, Al Aoula, qui avait révélé leurs identités dans le but de les humilier aux yeux d'une société très conservatrice. Le ministère de la Défense marocain a expliqué par la suite que les deux hommes avaient été arrêtés car la police les soupçonnait de vouloir imiter le geste de deux activistes françaises des Femen, qui s'étaient embrassées seins nus la veille sur le même lieu à Rabat. Les deux femmes ont été expulsées du pays.
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Une explication qui a soulevé le courroux d'activistes marocains qui défendent la dépénalisation de l'homosexualité. Le collectif Aswat a ainsi nié toute connexion entre les deux groupes. "Les détenus ont admis qu'ils étaient gays mais ils ont aussi confirmé qu'ils visitaient la place de la tour Hassan pour des raisons purement touristiques. Ils ont visité plusieurs lieux touristiques le même jour tout en prenant des photos", affirme Aswat.
"Un pur archaïsme"
Ces arrestations viennent s'ajouter en toile de fond du débat sur la question de la dépénalisation de l'homosexualité au Maroc qui divise très profondément le pays. Si, le mois dernier un tribunal marocain a envoyé trois hommes gays en prison pour trois ans et le magazine Maroc Hebdo a fait polémique en titrant en une de son dernier numéro: "Faut-il brûler les homosexuels", le ministère de la Santé marocain réfléchit dans le même temps à la suppression de l'article 489.
En réponse à la une de Maroc Hebdo, le magazine Tel Quel publiait vendredi 12 juin un éditorial poignant pour la dépénalisation de l'homosexualité. Il s'intitule "Vivre et laisser vivre". En voici un extrait:
"L’article 489 du code pénal est une aberration et un pur archaïsme. Cet article, qui pénalise l’homosexualité et la définit comme un acte «contre nature», est la survivance d’une vision dépassée qui considérait cette orientation sexuelle comme une maladie, un acte qui déroge à la nature humaine."
Les activistes marocains qui défendent la cause homosexuelle mènent une vive campagne dans le pays. Début juin, le guitariste du groupe de rock américain Placebo, Stefan Olsdal, protestait sur scène lors d'un concert à Rabat contre les lois anti-gays au Maroc en écrivant en gros caractères le numéro 489 sur son torse.
"Le débat au Maroc porte beaucoup sur le fait que l'occident nous impose ses normes sociétales", explique un activiste marocain au quotidien britannique The Guardian. "Mais n'oublions pas que des gens supportent également la cause de la communauté au Maroc".