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REUTERS/Adnan Abidi
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La une choquante de Maroc Hebdo et le débat sur l'homosexualité au Maroc

Le débat sur la dépénalisation de l'homosexualité divise profondément la société marocaine depuis quelques mois.

La question, choquante, s'affiche en gros caractères en une du dernier numéro du magazine Maroc Hebdo: "Faut-il brûler les homos?". Et le sous-titre est tout aussi explicite. "Le ministère de la Santé appelle à la dépénalisation de l'homosexualité au Maroc. Certes, c'est un droit individuel. Mais quid de la morale et des valeurs religieuses?" s'interroge l'hebdomadaire. 

Une sortie très violente dans un pays où la dépénalisation de l'homosexualité divise profondément la société. De nombreux internautes ont d'ailleurs exprimé leur indignation sur le réseau social Twitter.

 

L'homosexualité au Maroc est passible d'une peine de trois ans de prison selon l'article 489 du code pénal. Mardi 2 juin, deux militantes françaises des Femen avaient été expulsées pour avoir posé seins nus et s'être embrassées devant un monument historique à Rabat. Le lendemain, deux Marocains ont échangé un baiser sur ce même site, avant d'être arrêtés.

"De tels actes de provocation sont jugés inadmissibles par la société marocaine", ont affirmé les autorités. Le 4 juin, plus d'un millier de personnes avait manifesté devant l'ambassade de France, arborant des pancartes "Pas de ça chez nous".

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Toute "cette séquence est assez inquiétante [...] dans un pays traversé par les clivages sur les valeurs", a jugé le 5 juin Abdellah Tourabi, le directeur de la publication de Tel Quel, hebdomadaire bien connu parmi les quatre millions de Marocains résidant en Europe. "Elle nous renseigne sur [...] notre incapacité à gérer les désaccords de manière sereine", a-t-il écrit.

En réponse à la une de Maroc Hebdo, Tel Quel a publié vendredi 12 juin un nouvel édito poignant qui se prononce pour la dépénalisation de l'homosexualité. Il s'intitule "Vivre et laisser vivre". En voici un extrait:

"Les homosexuels ne sont ni des déviants ni des malades; car l’amour consentant entre deux adultes n’est pas un crime; car la loi ne peut pas s’immiscer dans les sentiments des gens; car ce qui se déroule librement entre deux individus et ne nuit pas directement aux autres ne doit pas être puni; car il n’appartient pas à un homme ou une femme de dicter la norme quand il s’agit de l’intimité d’individus majeurs et conscients… pour toutes ces raisons, et d’autres considérations, il est plus que nécessaire de sortir l’homosexualité de la liste des crimes punis par la loi. L’article 489 du code pénal est une aberration et un pur archaïsme. Cet article, qui pénalise l’homosexualité et la définit comme un acte «contre nature», est la survivance d’une vision dépassée qui considérait cette orientation sexuelle comme une maladie, un acte qui déroge à la nature humaine."

Maroc Hebdo est un hebdomadaire créé en 1991, basé à Casablanca. En 2012, Maroc Hebdo avait déjà été la cible de critiques et accusé de racisme après une couverture intitulée "Le péril noir", représentant le visage d'un migrant subsaharien, comme le rappelle cet utilisateur de Twitter.

La conclusion du dossier de Maroc Hebdo est tout cas dans la même veine que la une du magazine. 

"L'homosexualité au Maroc? Une morale publique est à préserver, des valeurs religieuses aussi. Le législateur a en charge ces attributions et cette mission est d'abord d'ordre public. Il y a encore tant à faire pour la consolidation des droits de l'homme pour ne pas se fourvoyer dans un combat douteux d'une cause aussi marginale que celle de la dépénalisation de l'homosexualité."

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Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

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