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Le combat des communautés africaines contre l'expropriation de leurs terres
Les garde-fous judiciaires ne suffisent pas pour empêcher la privatisation des terres arables sur le continent.
La situation critique dans laquelle se trouve des millions d'Africains dont les terres sont convoitées par des Etats ou des entrepreneurs privés a été symbolisée par le mouvement de révolte de vieilles femmes ougandaises le 16 avril 2015 dans la région d'Amuru dans le nord de l'Ouganda. Plongées dans le désespoir à cause de la volonté du gouvernement de mettre la main sur leurs terres, ces femmes ont ôté leurs vêtements en public, se retrouvant nues devant des hommes politiques, des soldats et des géomètres venues prendre des mesures dans leurs champs.
Le message de ces femmes? Il était simple: demander au gouvernement pourquoi il convoite leurs parcelles agricoles "Les femmes d'Amuru ne gagneront probablement pas le soutien de la communauté internationale dans ce combat, mais elles font voler en éclat un tabou sociétale et contribuent à changer les mentalités sur la question sur le continent", écrit le site d'analyse African Arguments sur le sujet.
La corruption plus forte que la justice
Dans ce combat, le gouvernement ougandais argue qu'il ne veut que redessiner la frontière administrative entre deux districts qui abritent deux communautés ethniques. Mais les opposants au projet dénoncent une volonté politique de vendre une partie des terres à des acteurs économiques qui lorgnent sur des sous-sols riches en minerais. Du pétrole a été découvert dans la région voisine de Nwoya.
La seule solution pour les habitants d'Amuru est de déplacer le combat sur le terrain judiciaire. "Quelques unes des nouvelles constitutions des Etats africains ont permis une extension des droits des communautés sur leurs terres. La constitution du Soudan du Sud, écrite lors de la naissance de ce nouvel Etat en 2011, déclare ainsi que "toutes les terres du pays sont la proriété des gens du Soudan du Sud et autorise les expropriations uniqment en cas d'intérêt général". La politique foncière de l'Ouganda, réformée en 2013, reconnaît également le principe de protection des terres des communuautés rurales.
Mais ces gardes-fous judiciaires ne pèsent souvent rien en Afrique face à la corruption endémique qui règne dans certains pays. "Quand les terres se transforment en intérêt commercial, les élites locales - qui perçoivent des gains dans l'affaire - n'hésitent pas à outrepasser la loi", analyse Moses Adonga, un activiste ougandais, sur African Arguments. "Le problème n'est pas simplement le manque de droits sur le papier, c'est avant tout les pratiques des dirigeants africains qui entraînent un manque de protection des communuautés".