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Le coup d'Etat raté va-t-il déboucher sur une série de violences au Burundi?
Le pays a déjà connu de nombreux massacres ethniques dans le passé.
La tentative de coup d'Etat menée par le général Godefroid Niyombare a échoué au Burundi. Jeudi 14 mai, les putschistes ont annoncé leur échec. Et les premiers mots du leader de la mutinerie étaient sans équivoque. «Nous avons décidé de nous rendre. J'espère qu'ils ne vont pas nous tuer», a déclaré, vendredi 15 mai, le général Godefroid Niyombare au téléphone à un journaliste de l'AFP.
Petit Etat d'Afrique de l'Est, le Burundi se remet lentement d'une guerre civile sanglante qui a ravagé le pays entre 1993 et 2005. Lors des accords de paix d'Arusha qui ont été signés à la fin du conflit, les différents acteurs politiques du pays s'étaient engagés à une représentation paritaire du pouvoir entre Hutu et Tutsi, les deux principales ethnies du pays. En 1972, les Tutsi - minoritaires dans le pays mais longtemps classe dominante - avait perpétré le massacre d'environ 100 000 Hutu. En 1993, lors du point culminant de la guerre civile, les rebelles Hutu sont eux accusés d'avoir tués près de 25 000 Tutsi.
La menace des Imbonerakure
Aujourd'hui, la tension est à nouveau à son comble au Burundi depuis le début des manifestations, il y a deux semaines, contre la décision du Président Pierre Nkurunziza de se représenter pour un troisième mandat à l'élection présidentielle du 26 juin. La tentative de coup d'Etat lancée par le général Godefroid Niyombare a accentué un peu plus cette situation de crise.
«Il y avait déjà un risque de guerre civile au Burundi, et la tentative de coup d'Etat pourrait désamorcer la situation ou au contraire provoquer une escalade des violences», analyse le site américain Vox.
Pour plusieurs experts cités par le média américain, l'armée pourrait réussir à stabiliser le pays, car les Burundais font généralement confiance aux militaires. Mais, «c'est loin d'être certain que l'armée réussisse à : 1) tenir le pouvoir 2) maîtriser une escalade des violences après la tentative de putsch 3) installer une transition non-militaire du pouvoir (dans le cas ou l'élection présidentielle du 26 juin serait repoussée).»
Mais la principale menace qui pèse sur le pays est celle des Imbonerakure, la section des jeunes du parti présidentiel du CNDD-FDD. Selon le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, les Imbonerakure sont en fait des milices armées qui sont utilisées comme les hommes de main de Pierre Nkurunziza. De nombreux médias burundais ont récemment fait part de l'armement rapide des Imbonerakure.
Un risque de violences plus politiques qu'ethniques
Le 8 mai, l'agence de presse Reuters rapportait également que les membres de cette section de jeunes du CNDD-FDD se rendaient dans les camps de réfugiés pour peindre des croix rouge sur certaines portes pour indiquer des cibles aux forces gouvernementales. «Si les Imbonerakure réagissent par la violence à la suite de la tentative de putsch, cela pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur les civils», analyse Vox. Mais toujours selon le site américain, «il est plus probable que d'éventuelles violences visent des cibles politiques plutôt qu'ethniques.»
Les partisans et opposants de Pierre Nkurunziza ne sont en effet pas divisés entre Hutu et Tutsi. Les membres de chaque ethnie sont mélangés dans les deux camps. La division politique du pays porte en fait l'héritage de la guerre civile et des différents groupes rebelles qui ont évolué en formations politiques. Le général Godefroid Niyombare, qui a annoncé à la radio la tentative de coup d'Etat, était ainsi un ancien rebelle des forces du CNDD-FDD, qui est ensuite devenu le parti au pouvoir.
Enfin, la crise au Burundi pourrait provoquer un exil massif de réfugiés dans les pays voisins, comme en République démocratique du Congo où leur situation est très précaire dans des camps de fortune. Selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plusieurs milliers de Burundais ont déjà fui leur pays par craintes de violences. «J’ai fui les jeunes du parti CNDD-FDD qui s’appellent Imbonerakure. Ils sont arrivés chez nous pour nous menacer vers minuit. On nous a dit que si nous ne votons pas pour le président Nkurunziza, on va nous tuer», confiait un réfugié burundais à Radio France internationale, le 5 mai.