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Des femmes burundaises manifestent contre Pierre Nkurunziza, le 10 mai 2015. REUTERS/Goran Tomasevic
Des femmes burundaises manifestent contre Pierre Nkurunziza, le 10 mai 2015. REUTERS/Goran Tomasevic

La crise au Burundi illustre la victoire de la société civile

L'ancien chef du service des renseignements, le général Godefroid Nyombare, a annoncé la destitution du président, Pierre Nkurunziza, mercredi 13 mai sur une radio locale.

La crise a pris un nouveau tournant au Burundi mercredi 13 mai. Après deux semaines de manifestations contre le président Pierre Nkurunziza, qui a enfreint la Constitution en se déclarant candidat à un troisième mandat, l'ancien chef du service des renseignements, le général Godefroid Nyombare, a annoncé la destitution de Pierre Nkurunziza. «Le président Pierre Nkurunziza est destitué de ses fonctions, le gouvernement est dissous», a-t-il déclaré sur une radio privée. 

Une information que la présidence burundaise a immédiatement démenti sur Twitter.

Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, se trouve lui actuellement à Dar es-Salaam, en Tanzanie, à un sommet extraordinaire de chefs d'Etat d'Afrique de l'Est pour tenter de trouver une solution à la crise ouverte qui a éclaté dans son pays le 26 avril. Un crise politique, qui plutôt que de souligner les défaillances de l'exercice démocratique au Burundi et plus largement en Afrique subsaharienne, met en relief le poids de la société civile face à la sphère politique locale. 

"Ceux qui pensent que la crise burundaise est un signal d'un retour à une vieille afrique n'ont clairement pas passé assez de temps sur le continent récemment", analyse le site web sud-africain Daily Maverick

Petit Etat d'Afrique de l'Est, le Burundi se remet lentement d'une guerre civile sanglante qui a ravagé le pays entre 1993 et 2005. Lors des accords de paix d'Arusha qui ont été signés à la fin du conflit, les différents acteurs politiques du pays s'étaient engagés à une représentation paritaire des Hutus et Tutsis, les deux principales ethnies du pays, à la tête de l'Etat. Et la nouvelle Constitution burundaise interdisait au président en excercice de réaliser plus de deux mandats.

Mais Pierre Nkurunziza, nommé à la tête de l'Etat en 2005 et élu en 2010, a choisi de passer en force en se représentant pour un troisième mandat au scrutin présidentiel du 26 juin 2015. Depuis l'annonce de sa décision, ses opposants défilent dans les rues de Bujumbara, la capitale, et dans le reste du pays. Plus de 15 manifestants ont déjà été tués dans des affrontements avec les forces de l'ordre qui se produisent quotidiennement ou presque.

Une société civile qui entre en résistance

À première vue, cette crise constitutionnelle - le président et son parti ont modifié de force la Constitution pour rendre légal la possibilité d'un troisième mandat - rassemble donc tous les pires aspects politiques de l'Afrique, avec tous les stéréotypes les plus négatifs sur les dirigeants africains et le pouvoir. "Il y a la constitution qui n'a pas plus de valeur que le papier sur laquelle elle est rédigée (...) Il y a la répression brutale sur les manifestants, avec du gaz lacrymogène, des tirs à balles réelles et des détentions arbitraires. Il y a l'ignoble racisme ethnique, des milices lourdement armées et la menace pesante d'un autre génocide", écrit le Daily Maverick. 

Mais il y a aussi l'autre face du décor. Des milliers de Burundais qui protestent chaque jour contre la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, et une société civile qui diffuse des informations sur les réseaux sociaux, faire preuve de coordination, et ne plie pas devant les menaces. En protestant si durement, les Burundais attirent les regards de la communauté internationale et des médias du monde entier sur le futur de leur pays. 

Les critiques de l'Union africaine

Parmi ces héros de la société civile, il y a Sylvere Nimpagaritse, le vice-président de la cour constitutionnelle qui a préféré fuir le pays plutôt que de signer la modification de la Constitution voulue par Pierre Nkurunziza. Nimpagaritse, a révélé que les membres de la cour avaient reçu une immense pression et des menaces de mort pour ratifier la modification de la Constitution. "En toute conscience j'ai décidé de ne pas mettre ma signature pour une décision du pouvoir en place qui n'est pas du tout en accord avec la loi et nous a été imposée depuis l'extérieur", a confié Sylvere Nimpagaritse à l'AFP.

Cet activisme de la société civil burundaise porte aujourd'hui ses premiers fruits. La présidente de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, a sévèrement critiqué Pierre Nkurunziza pour son mépris de la Constitution et des Accords d'Arusha, dans une interview accordée à CCTV. Le président sud-africain Jacob Zuma a lui aussi critiqué le chef d'Etat du Burundi. "Nous croyons que le pouvoir burundais doit être mature. L'intérêt du pays devrait être l'objectif de ses dirigeants", a t-il déclaré. 

C'est d'une certaine façon un signe que l'Afrique progresse vers plus de démocratie. Même si cette avancée n'est pas dénuée d'obstacles. 

Camille Belsoeur

Journaliste à Slate Afrique. 

Ses derniers articles: Le roi du Maroc accusé d'avoir ignoré des preuves de violences policières dans le Rif  Un fossile de dinosaure marocain découvert... sur Facebook  L'élection présidentielle annulée au Kenya, une avancée pour le continent 

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