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Kadhafi, on achève bien les morts
Comme Oussama Ben Laden, Mouammar Kadhafi l'aura bien mérité, lui qui n'a pas hésité à tirer sur son peuple. Mais où est la justice?
Mise à jour du 16 décembre: La mort de l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pourrait être un crime de guerre, a estimé, jeudi 15 décembre le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno Ocampo. «Il existe de sérieuses suspicions sur le fait que c'était un crime de guerre», a ajouté le procureur.
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Mise à jour du 31 octobre: Détenu à la prison de Misrata, Mansour Daou est un proche de Kadhafi. L'ex-chef des services de sécurité intérieure est resté jusqu'à la fin aux côtés du Guide. Il décrit un homme «déprimé, inquiet», qui préférait «mourir en Libye qu'être jugé» par la Cour pénale internationale.
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Mise à jour du 27 octobre: Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le jeudi 27 octobre une résolution mettant fin au mandat autorisant le recours à la force en Libye. La fin de l'intervention est fixée le 31 octobre à 23 h 59 heure libyenne, en dépit des appels du Conseil national de transition (CNT) libyen pour sa prolongation.
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Mise à jour du 21 octobre: L'Algérie a réagi à la mort de Kadhafi. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré: «nous espérons que cette nouvelle ère qui s'ouvre pour la Libye consacrera la réconciliation et la concorde entre les frères libyens et la pleine réalisation de leurs aspirations légitimes à la démocratie, l'État de droit et la prospérité».
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Il faut s'y habituer maintenant, chaque mort s'entoure systématiquement de mystère, avec au centre, cet éternel problème de justice et de secrets vite noyés dans la légende. Saddam Hussein en son temps aura eu au moins un procès, même ficelé, au sens propre comme au figuré puisque l'ex-dictateur irakien a été pendu, en direct. Pour les autres, l'histoire n'est pas la même et le Printemps arabe n'a pas donné les mêmes fleurs partout. Ben Ali et Moubarak, les autocrates tunisiens et égyptiens, ont bénéficié d'un jugement. Si ces deux-là avaient été capturés dans le feu de l'action, auraient-ils été abattus? Rien ne permet de l'affirmer. C'est en Libye que cette première série de révolutions assistées par les ordinateurs français et Anglais s'est terminée sans véritable justice, par un lynchage qui a fini par enterrer la cause de l'insurrection sous le sable du désert.
Les Indiens moins barbares que les Cow-Boys?
Les Arabes seraient-ils plus justes que les européens et les Indiens moins barbares que les Cow-Boys? Il y a en tous les cas quelque chose de gênant dans ces pratiques devenues courantes d'exécution extra-judiciaires et cette rapidité à effacer toute trace du crime. Qu'est ce que la justice sinon un procès? Bien sûr, le Haut commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies vient de demander une enquête sur les circonstances entourant la mort de Kadhafi. A Alger, on sait ce qu'est l'ONU: une vaste entreprise qui gère les équilibres entre les puissants plutôt que de statuer sur les justices et injustices. A la suite du Printemps arabe et des restructurations mondiales, il devient urgent de réformer cette institution.
A-t-il été exécuté?
Mort dans un bombardement de l'OTAN ou capturé puis tué par les rebelles? Pour l'instant, les deux versions coexistent, même si le chef de la rébellion, Mahmoud Jibril, a bien affirmé que l'ex-dictateur libyen a été retrouvé «en bonne santé et portait une arme». Mahmoud Jibril affirme que Kadhafi a ensuite été conduit vers un pick-up «pris dans un échange de tirs entre des combattants pro-Kadhafi et des révolutionnaires», puis «le dictateur a été tué d'une balle dans la tête», a-t-il ajouté.
Contredisant cette version, un responsable américain, citant le ministre français de la Défense, a affirmé qu'un «drone américain Predator a tiré un missile contre le convoi attaqué par un Mirage 2000 français, et dans lequel se trouvait Mouammar Kadhafi». De son côté, le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a confirmé que l'ancien dirigeant libyen se trouvait bien dans ces voitures, et l’Otan a déclaré que ses forces aériennes avaient frappé le convoi de véhicules militaires des forces loyales à Kadhafi, près de Syrte.
La légende est lancée
Où est la vérité? Certainement pas du côté occidental, si le cadavre du dictateur libyen exposé à la foule avait été frappé par un missile américain et un avion de chasse français, il n'en resterait plus rien. Mais comme pour la Tunisie avec Mohamed Bouazizi, héros déclencheur de la révolution et dont une place à Paris porte déjà le nom, la légende est déjà partie: Ahmed Al Shebani, un jeune libyen de 18 ans, aurait tiré le coup fatal dans la tête de Kadhafi. Sa photo héroïque circule déjà. L'Occident, qui a plus ou moins appuyé cette exécution, voire l'a ordonnée, a tendance à parler abondamment de justice sans ce soucier de sa crédibilité. Il y a surtout cette volonté au départ de se débarrasser des états voyous, pour finalement se débarrasser des voyous eux-mêmes, sans autre forme de procès.
Alger, capitale de la paranoïa
D'Alger, capitale de la paranoïa, on verra en tous les cas d'un mauvais œil le déclenchement de la révolte et son épilogue. On restera aussi sur ce double constat trouble: les autorités algériennes n'ont toujours pas réagi à la mort du dirigeant libyen, dont une partie de la famille est toujours en Algérie. Ben Laden mort, ses secrets ont été mis sous l'eau avec lui. Kadhafi mort, ses révélations seront enterrées avec lui, dans un lieu secret d'après le CNT libyen.
Chawki Amari
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