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Imany © Tous droits réservés - Courtesy of Warner.
Imany © Tous droits réservés - Courtesy of Warner.

Imany, un grain mélancolique

La chanteuse d’origine comorienne Imany ne passe pas inaperçue. Une voix grave et puissante, un profil de mannequin; autant d’ingrédients qui ont déjà conquis le public parisien.

Au Sunset, cette boîte de jazz  célèbre pour avoir accueilli des légendes comme le manouche Biréli Lagrène ou le pianiste Michel Petrucciani, la soul d’Imany détone au milieu du public qui se serre sur les fauteuils de cuir rouge.

Arrivée en toute discrétion du fond de la salle, débardeur blanc, collants noirs et fichu multicolore dans les cheveux, quand elle se présente, un timbre presque masculin emplit la salle ce 4 février 2011.

L’ampleur des notes prend par surprise les spectateurs qui ne la connaissaient pas encore. Les petits riffs de son guitariste incitent le public à suivre en tapant des mains. Nina Simone, Tracy Chapman, les comparaisons ne manquent pas. Imany cite elle-même ces deux chanteuses afro-américaines comme références, à côté d’autres plus urbaines comme Lauryn Hill. Ceux qui la connaissent entonnent les paroles des cinq titres de son EP acoustique sorti le 15 novembre 2010.

L’air est mélancolique, sur toutes les chansons. «La musique est une catharsis, j’interprète mes textes c’est tout», explique-t-elle à ceux qui lui reprochent ce trop plein d’émotion. Elle ne manque pas pour autant d’humour. Ses blagues de célibataire endurcie et ses «hymnes à la rupture» sont destinés à faire grincer des dents les couples assis aux premiers rangs. Sa reprise du titre I’ll be there des Jackson Five est un succès, qui rappelle le bon vieux temps.

«On est content, ça tourne bien pour l’instant», dit-elle entre deux dédicaces à la sortie du concert, le sourire aux lèvres. Après une heure de show, elle qui avait demandé l’indulgence du public à cause d’un petit rhume obtient bien mieux: sa reconnaissance.

A la sortie de la salle, ses proches sont là pour la féliciter, le public la sollicite, une photo, une signature. Imany prend la pose et n’hésite pas à faire la bise à ceux qui la remercient pour cette soirée. Peu connue si ce n’est dans le milieu confidentiel des petites salles parisiennes, elle a été saluée en première partie de Ben l’oncle soul et d’Anthony Hamilton.

Une expérience «impressionnante» pour Imany, peu habituée à chanter devant des milliers de personnes. Mais cela lui a permis de se faire repérer, car beaucoup sont venus au Sunset après l’avoir découverte sur ces dates. «Ce qui m’importe, c’est que le public apprécie, quel que soit le nombre de spectateurs», dit-elle pour expliquer que non, le succès ne lui fait pas peur.

Elle est originaire des Comores, un archipel au nord du canal du Mozambique, et a vécu à Paris. Imany se rend souvent sur sa terre d’origine et a d’ailleurs écrit une chanson en hommage à la force des femmes africaines en pensant à sa propre grand-mère: The Shape of a Broken Heart, titre éponyme de l’album qui sortira le 2 mai 2011, parle du courage de celles qui doivent assumer leur grand foyer, parfois seules parce que veuves, ou encore de celles qui se battent après avoir perdu un enfant.

Elle n’a toutefois pas l’ambition de délivrer un message, et ne se définit pas comme une chanteuse «engagée» —sa démarche est plus intime. Ses textes partent de sa propre expérience… de l’amour. Comme bien d’autres, elle plaisante, «je devrais remercier mon ex pour cette inspiration».

Imany est un pur fruit du métissage culturel: d’origine africaine, française et anglophone. Sa «foi» (c’est la signification d’Imany en swahili) elle l’a trouvée au cours d’un séjour à New York. «C’est pour ça que j’écris tous mes textes en anglais, ça me vient plus naturellement, et puis c’est aussi moins compliqué que le français, qui lui ne souffre pas la médiocrité» confie-t-elle. Chaleureuse, sûre d’elle sans être hautaine, elle a sillonné les bars musicaux pendant deux ans et demi avant de sortir son album. «Ça permet de voir les compos qui plaisent le plus».

Si sur ces deux dates du Sunset les sessions étaient volontairement acoustiques (pour la promotion de l’EP), les chansons de l’album ont été enrichies avec un violoncelle, une batterie, des claviers et quelques percussions «avec des vrais musiciens», résume-t-elle. Imany s’est aussi mise à la guitare l’été dernier. Des chanteuses afro qui «grattent», il y en a beaucoup. Mais son grain de voix est unique.

C’est difficile à croire, mais elle explique qu’avant elle ne savait pas chanter. Qu'il n’y a pas de secret; elle a beaucoup travaillé avec son professeur pour détecter sa «couleur musicale». D’ailleurs elle a l’air très concentrée quand elle chante. Elle suit sa voix avec des mimiques de la main. Quand on lui demande d’expliquer ce timbre très masculin, elle explique que «ce n’est pas à cause de la cigarette. Je me fais remarquer depuis toute petite, on se moquait de moi en disant que j’avais une voix de garçon.» Qu’elle parle ou qu’elle chante, c’est sa marque de fabrique. Sa voix grave ne la quitte pas, comme l’accent des chanteuses québécoises en concert. Un atout de bon augure pour Imany.

Agnès Ratsimiala

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