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Algérie - La vraie fausse guerre aux débits d'alcool

La tentation de fermer les bars en Algérie ne date pas des islamistes, mais est une véritable constante depuis l’indépendance du pays en 1962, note le quotidien algérien DNA. La question de la fermeture des débits de boissons alcoolisées a préoccupé les dirigeants et gouvernements algériens successifs depuis un demi-siècle, de Ben Bella à Bouteflika, en passant par Boumediene. De nombreuses mesures ont été prises, sans pour autant mettre en péril la contrebande d’alcool dans le pays. Le marché parallèle a encore la belle vie.

A peine arrivé au pouvoir sur les blindés de l’armée des frontières en septembre 1962, Ahmed Ben Bella, premier président de l’Algérie, fait publier un décret, portant interdiction à la consommation d’alcool et de boissons alcoolisées:

«Les Algériens pris en flagrant délit de consommation d’alcool ou de boissons alcoolisées seront poursuivis devant les tribunaux de police dans le cadre de la législation sur l’ivresse publique.»

Mais le décret renseigne beaucoup plus sur les atteintes à la liberté, déjà sensibles au lendemain de l’indépendance, que sur la volonté réelle de fermer les débits d’alcools.

Son successeur, Houari Boumediene, circonscrit la vente d’alcool à ses pairs du FLN, les révolutionnaires qui ont lutté pour la libération de l'Algérie. L’article 2 du décret stipule que «les licences retirées seront attribuées exclusivement aux anciens moudjahidines (combattants) ainsi qu'aux veuves et ascendants directs de chouhada (martyr) qui n'exercent pas une activité rémunérée.»

C’est aussi Boumediene qui décida l’arrachage de 90% du vignoble algérien dans les années 1970, après deux années catastrophiques pour le vin algérien. Seize millions de tonnes de vin n’avaient pas trouvé d’acheteurs. En prenant cette décision Boumediene est certes contraint par le contexte économique, mais il satisfait également les attentes d’une frange conservatrice de la population, hostile à ce marché du vin dans un pays majoritairement musulman.

Cette tendance s’accélère lorsque le Front Islamique du Salut (FIS) arrive au pouvoir en 1990. L’alcool est haram (illicite) pour les musulmans et le FIS entendait bien le faire valoir dans la société algérienne. Paradoxalement, c’est au cours des années 1990 que le marché de la bière locale et importée explose en Algérie.

La véritable rupture, c’est 2003, trois ans après l'accession au pouvoir d'Abdelaziz Bouteflika. Les députés de l’Assemblée Populaire Nationale (APN) votent l’interdiction d’importations de l’alcool. Le texte  a été ensuite abrogé. Mais depuis 2006, les bars ferment et les débits de boissons sont attaqués par des groupes opposés au commerce de l'alcool. 

Lu sur DNA