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Timbuktu, d'Abderrhamane Cissako
Timbuktu, d'Abderrhamane Cissako

«Timbuktu» ou le récit mythologique d'une ville assaillie par la brutalité

Le film d'Abderrahmane Sissako est une sorte de danse de la folie et raconte la violence de l'invasion du djihadisme.

La gazelle, silencieuse et affolée. Le drapeau noir du djihad. Les vaches tranquilles près du lac au milieu du désert, un enfant. La ville et ses maisons de terre surmontées de paraboles. La violence du son des balles qui déchiquètent les statues.

Il y a une histoire, qui sera contée. Il y a une situation, qui sera décrite. Il y a une multiplicité de gens, de peuples, de langues. Il y a un monde composite, disjoint semble-t-il et qui pourtant est un seul ensemble.

Un Moyen-Âge de 4X4 et de kalach

La famille de bergers dans la tente sur la dune et la famille de pêcheurs sur la rive, c’est comme sorti d’un récit biblique, et c’est une scène de western, et c’est maintenant aussi. Maintenant, cette époque contemporaine où on tue à coups de pierres ceux qui n’ont pas officialisé leur amour devant le bon prêtre, ce Moyen-Âge de 4X4 et de kalach tenues par des jeunes gars paumés, qui s’engueulent ferme sur les mérites comparés de Zidane et de Messi.

Abderrahmane Sissako est comme… comment dire? Comme un danseur aveugle qui danserait toutes ses perceptions. Son film est sa danse.

«Aveugle» pas parce qu’il ne voit pas, évidemment, mais parce qu’il va au-delà, parce qu’il capte les vibrations, les intensités, les souffles. Il sait comment les islamistes ont pris les villes du Nord-Mali, il sait ce qu’ils ont fait, et c’est là, à l’écran. Mais pas comme le décrirait un journaliste, un documentariste ou même un romancier, plutôt comme le modulerait un chanteur à bouche fermée ou un poète mystique.

Abderrahmane Sissako sait aussi ce qu’il y avait avant l’attaque des djihadistes, et comment cela continue, après la venue de soldats français qui les ont délogés, après les déplacements suivants, dans l’histoire, dans l’espace, dans l’actualité. Timbuktu n’est pas une chronique, c’est un récit mythologique. Et c’est ainsi, ainsi seulement, qu’il prend en charge l’acuité du présent.

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Jean-Michel Frodon

Critique de cinéma, notamment pour Le Monde, écrivain, enseignant. Il anime Projection publique, le blog ciné de Slate.fr.

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