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La Tunisie post-révolutionnaire au bord de la folie?

Les effets dévastateurs de la dictature sur la population tunisienne ne se limitent pas aux seuls aspects politique ou économique. En 23 ans de censure et d'assujettissement au pouvoir de Zine el-Abidine Ben Ali, la santé mentale des Tunisiens a été mise à rude épreuve.

L'Agence Tunis Afrique presse (TAP) rappelle qu'un Tunisien sur deux souffrait en 2005 de troubles mentaux. Cette enquête, menée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), révélait que 37% des cas présentaient des problèmes de dépression et d'anxiété. Un constat d'échec politique logiquement passé sous silence par l'ancien régime de Ben Ali.

En pleine crise identitaire, à la veille des premières échéances électorales démocratiques, la résistance psychologique des Tunisiens est, à ce jour, toujours éprouvée.

Le vendredi 14 octobre 2011, la Tunisie célèbre la Journée mondiale de la santé mentale sous le thème: «La santé mentale: l'affaire de tous». Pour la présidente de la Société tunisienne de psychatrie (STP), le docteur Rim Ghachem, le choix de l'intitulé n'est pas anodin et recoupe plusieurs problématiques:

«Le Tunisien ne se reconnaît plus. Il cherche à affirmer son identité nationale et arabo-musulmane. Il cherche également ses repères et a besoin d'un nouveau guide en qui il a réellement confiance».

Des remises en question de fond qui viennent s'ajouter au déséquilibre initial. Par ailleurs, le traumatisme de la révolte engendrerait selon la présidente de la STP, certains comportements excessifs:

«Après plus d'une vingtaine d'années de silence, le Tunisien est passé d'une soumission quasi-totale sous la dictature de l'ancien régime à une insoumission post-révolutionnaire totale comme pour se déculpabiliser de ce silence qui a longtemps perduré», a souligné Rim Ghachem.

A l'échelle mondiale, l'OMS a placé cette manifestation sous le thème: «Investir dans la santé mentale». Un angle économique défendu par le Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon:

«Les ressources humaines et financières allouées à la santé mentale sont insuffisantes, surtout dans les pays pauvres. (…) De nombreux pays comptent moins d'un spécialiste de la santé mentale pour un million d'habitants.»

En matière de moyens mis à disposition pour les troubles mentaux, le cas de la Tunisie conforte le constat de l'OMS sur l'investissement dans les services de prévention, de promotion et de traitement. Même si sur une population évaluée à dix millions d'habitants le pays compte 212 psychiatres, à l'hôpital Razi par exemple, dans le gouvernorat de Manouba, on constate que depuis le 14 janvier, date de la fuite de Ben Ali et sa famille, les cas psychiatriques ne cessent de se multiplier:

«Sous l'effet de l'anxiété, les personnes les plus fragiles, les schizophrènes et les bipolaires (maniaco-dépressifs), ont fait des décompensations délirantes, explique le docteur Cheour-Ellouze. Certains patients se disent investis d'une mission. La révolution, pour eux, c'est la guerre finale. L'ensorcellement revient souvent, aussi. Sans oublier les délires de grandeur et les angoisses de persécution».

Lu sur Agence Tunis Afrique Presse, Tunisie Focus, Le Monde.fr