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Je suis Camerounais et je n'aime pas le foot, mais je supporte les Lions (et les Bleus)
Et pourquoi il faut que mes deux équipes aillent le plus loin possible.
La compétition n’avait pas encore démarré que, déjà, les commentaires autour de la Coupe du monde de football au Brésil commençaient à m’horripiler. Oui, je le dis tout de go: je n’aime pas le football. Mieux encore, je m’en contrefous du foot. Je déteste encore plus ces moments où n’importe quel quidam s’autoproclame tacticien hors-pair et spécialiste du ballon rond alors que sa seule activité sportive consiste à regarder les matches de foot à la télé, une bouteille de bière à la main. Non, vraiment, je n’aime pas le foot. Parce que, comme en cette période de Coupe du monde, il y aura toujours quelqu’un, où que vous vous trouviez, pour vous sortir des références savantes sur telle ou telle sélection, et dont personne n’a que faire en réalité.
Pourtant, il se trouve que tout non-amateur de foot que je suis, je vais devoir regarder un certain nombre de matches de ce Mondial du Brésil. En tout cas, au moins six d’entre eux. Je n’ai pas le choix. Vous allez comprendre pourquoi.
Je suis Camerounais d’origine et Français d’adoption. Yaoundé m’a vu naître et ma vie est à Paris depuis longtemps... Deux histoires, deux fibres patriotiques s’éveillent et s’entremêlent chaque fois que les Lions indomptables et les Bleus participent à la même compétition ou lorsqu’ils s’affrontent (c’est déjà arrivé).
En réalité, je n’ai pas le choix parce que dans «mes deux pays», le foot n’est pas n’importe quoi. Au Cameroun, il s’agit presque d’une religion et les Lions indomptables sont le réceptacle de tous les espoirs, de toutes les frustrations et de toutes les passions. Samuel Eto’o y est considéré comme demi-dieu, adulé autant qu’il peut être détesté pour sa propension à parler de lui à la troisième personne... Lors d’un Mondial, le football devient tout bonnement l’opium du peuple. D’ailleurs, comme l’écrit si bien So Foot dans un excellent billet d’humeur, «Tu sais que tu es supporteur du Cameroun quand... le héros de ton enfance s’appelait Roger Milla».
Oui, j’étais enfant lors du Mondiale italien, en 1990. Non seulement je n’aimais déjà pas le foot à cet âge-là, mais je ne comprenais rien, évidemment, aux enjeux d’une compétition sportive, fût-elle scolaire. Mais, comme tout le monde, j’ai vibré, j’ai crié de joie face aux prouesses de Milla et j’ai appris à danser la danse qu’il dansait devant un poteau après chaque but.
Quant à la France, elle n’est pas à proprement parler LE pays du football. Mais comme dans beaucoup de pays, le football y est roi. Et comme partout ailleurs, les Français savent vilipender leur équipe ou faire bloc derrière les Bleus. Ça c’est pour les vrais supporteurs et amateurs de football français. Moi je fais partie de ces Français qui n’aiment pas le foot et qui ne supportent les Bleus que lorsque ces derniers ont quelque chance de faire une prestation honorable voire excellente. C’est le cas pour ce Brésil 2014, pour lequel l’équipe de France a bien négocié sa préparation avec deux victoires face à la Norvège et face à la Jamaïque.
Par effet de mode et par patriotisme, je suivrai donc les trois matchs de poule du Cameroun et les trois matchs de poule de la France. Je vais hurler comme un buffle devant ma télé, alors que je connais à peine la différence entre un corner et coup franc... Je sais que je vais m’improviser en commentateur sportif, déjà ce 13 juin pour le premier match de poule du Cameroun face au Mexique et le 15 juin pour le France-Honduras. Je vais parler de choses que je ne connais pas et dont je n’ai que faire, avec l’espoir inavoué que mes deux équipes passent chacune le premier tour et aille le plus loin possible. Parce que, malgré tout, c’est bon quand même de gueuler comme un forcené devant un match de foot, une bouteille de bière à la main.
Raoul Mbog