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Une Tchadienne reçoit le Prix Nobel Alternatif
Vingt années de combat récompensées. Jacqueline Moudeïna, avocate des victimes de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, est la première tchadienne à recevoir le Prix Nobel Alternatif, rapporte Human Rights Watch le 29 septembre.
Attribué chaque année depuis 1980 par une Fondation suédoise, le Prix «Right Livelihood Award» 2011, ou Prix Nobel Alternatif, a été décerné conjointement à trois autres lauréats qui se partageront 150.000 euros: Jacqueline Moudeina, l'entrepreneur chinois Huang Ming qui travaille pour le développement de l'énergie solaire, l'organisation internationale Grain qui soutient la lutte des paysans et une sage-femme américaine, Ina May Gaskin.
Jacqueline Moudeina se bat depuis dix ans pour qu’Hissène Habré, exilé au Sénégal, soit jugé. Pour le moment, la justice sénégalaise doit se prononcer sur la demande d’extradition de l’ancien chef d’Etat vers la Belgique, qui a émis un mandat d’arrêt international à son encontre.
«Jacqueline Moudeïna a tout risqué, y compris sa vie, pour traduire Hissène Habré devant les tribunaux, a déclaré Reed Brody, conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch. Ce Prix met en lumière le refus du Sénégal [où Hissène Habré s'est réfugié] d’accorder aux victimes le droit de se faire enfin entendre devant un tribunal, après vingt longues années de lutte.»
Le Sénégal s’était engagé à organiser son procès sur la demande de l’Union africaine, en 2006, mais s’est finalement retiré des discussions en mai 2011. Le dossier n’a toujours pas avancé.
En juillet 2010, l’archevêque Desmond Tutu et 117 organisations issues de 25 pays d’Afrique ont dénoncé «l’interminable feuilleton politico-judiciaire» auquel les victimes sont soumises depuis plus de vingt ans.
Maître Moudeïna a déposé au Tchad des plaintes contre les complices de Habré, notamment les anciens directeurs et chefs de service de la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), dont beaucoup occupent encore des responsabilités au sein de la haute administration tchadienne. En 2001, un an plus tard, elle a été grièvement blessée par une grenade qui la visait directement, alors qu’elle participait à une manifestation pacifique.
Le régime dictatorial d’Hissène Habré, qui a duré de 1982 à 1990, jusqu’à ce qu’il soit renversé par l’actuel président tchadien Idriss Déby, a été marqué par des vagues d’épuration ethnique, et serait responsable de la mort d’environ 40.000 personnes.
Lu sur Human Rights Watch