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Hollande aux USA: l'Afrique au cœur de la nouvelle idylle franco-américaine
Français et Américains semblent avancer main dans la main, en vue de sauvegarder leurs intérêts stratégiques vitaux en Afrique.
De nos jours, en dépit des malentendus et des préjugés traditionnels, en dépit de divergences souvent extrêmes, la France et les Etats-Unis ont approfondi leur entente, leur amitié. Et c’est pour accentuer davantage cette entente que le président français, François Hollande, effectue une visite d’Etat de trois jours aux Etats-Unis.
Soulignons qu’il s’agit là d’un évènement diplomatique majeur, étant donné que c’est la première du genre d’un chef d’Etat français aux Etats-Unis en 18 ans. Depuis longtemps, dans la politique française, il n’est pas bon d’apparaître comme «l’homme des Américains».
En France, «l’antiaméricanisme» a toujours été et reste l’opium d’une frange importante des élites intellectuelles, politiques ainsi que de l’opinion française. C’est une tradition qui remonte au général De Gaulle, un homme d’Etat farouchement épris d’indépendance et de grandeur nationales, et qui a toujours redouté l’hégémonie et la domination américaines.
Une idylle pragmatique
On se souvient de son opposition constante et ferme à l’Otan au moment où certains de ses plus proches collaborateurs l’incitaient à faire intégrer la France dans «la communauté atlantique». Et ce qu’on a appelé le gaullisme, s’est forgé en opposition à la puissance américaine aux plans militaire, économique, diplomatique et politique.
Quant à la gauche française, par tradition idéologique, et ce, depuis Jaurès, Blum, Mitterrand, elle a toujours nourri un complexe psychologique à l’égard de ce que Hubert Védrine a justement nommé, « l’hyperpuissance américaine ».
Mais, avec cette visite d’Etat du président Hollande, on peut dire que ce temps n’est plus: l’âge d’un monde multipolaire, de la guerre économique, de la lutte antiterroriste s’est ouvert. Et c’est sur le continent africain que Français et Américains, malgré leurs différences, semblent avancer main dans la main vers le même but: stabiliser cette région du monde, en vue de sauvegarder leurs intérêts stratégiques vitaux.
En vérité, le fondement de l’idylle franco-américaine en Afrique n’est plus idéologique, mais pragmatique: efficacité d’abord. Face aux multiples crises qui secouent le continent africain, notamment dans le domaine sécuritaire au sein de la bande sahélo-saharienne, la France et les Etats-Unis sont conscients que ni l’un ni l’autre ne sauraient vaincre seul le terrorisme. De surcroît, à l’heure actuelle, ces deux grandes démocraties mondiales sont confrontées à de graves difficultés économiques et financières intérieures.
Au Mali, en RCA, on constate que l’engagement de la France de Hollande est loin d’être partagé par les autres partenaires européens. Au fond, avec l’Afrique, l’Europe n’arrive pas à parler d’une seule voix. Par conséquent, Hollande a besoin de redynamiser «l’alliance franco-américaine» pour mieux affronter les nouveaux périls qui menacent les intérêts français sur le continent africain. Ici, Américains et Français ont choisi de s’adapter à la nouvelle réalité géostratégique, géoéconomique du continent, pour mieux contrer le «bloc asiatique» (Chine, Inde, Japon).
Parce qu’elle entretient des liens historiques et culturels multiséculaires avec bon nombre de pays africains, la France tente de reconquérir ses positions économiques perdues. On a souvent tort de ridiculiser la prétention de la France de redevenir une grande puissance. Au fond, bien qu’affaiblie, elle n’y a jamais renoncé. Et pour atteindre cet objectif stratégique, l’Afrique reste, pour elle, une carte maîtresse.
Quant aux Etats-Unis, même s’ils paraissent discrets, leur engagement sur le continent africain est réel. Certes, contrairement à la France, on ne peut pas, au sujet des Etats-Unis, parler d’«une politique africaine».
Hollande et Obama ne peuvent ignorer que sur le continent africain, la racine de l’instabilité des Etats et des sociétés est essentiellement politique
Le sommet de Washington en ligne de mire
Mais avec la fin de la guerre froide, les Américains ont vite compris que la véritable puissance des Etats n’est plus militaire, mais surtout économique et culturelle. C’est sous cet angle qu’il faut commencer à saisir toute la portée du futur sommet d’août à Washington, entre les Etats-Unis et la quasi-totalité des Etats africains. On a beaucoup reproché au président Obama une certaine indifférence diplomatique envers le continent noir dont son père est issu. A mi-mandat, il a décidé de mettre l’Afrique à l’honneur dans le cadre d’une nouvelle ambition américaine au plan mondial.
Cela dit, au cœur de cette idylle franco-américaine, les présidents Hollande et Obama ne peuvent ignorer que sur le continent africain, la racine de l’instabilité des Etats et des sociétés est essentiellement politique. En août prochain, à Washington, les sociétés civiles africaines, les démocrates du continent attendent du président Obama un discours de vérité et de fermeté envers certains dirigeants. Car il existe encore en Afrique, un mythe napoléonien tenace qui empêche toute avancée démocratique réelle sur le continent africain.
En 1847, l’auteur de ce mythe, Louis-Napoléon écrivait ces lignes célèbres:
«Dans toutes mes aventures, j’ai été dirigé par un principe. Je crois que de temps en temps des hommes sont créés, que j’appellerai providentiels, dans les mains desquelles les destinées de leur pays sont remises. Je crois être moi-même un de ces hommes. Si je me trompe, je peux périr inutilement. Si j’ai raison, la Providence me mettra en état de remplir ma mission.»
Tant qu’une telle conception de l’Histoire et du pouvoir continuera à prédominer, à coup de slogans et de propagande sur le continent, l’idylle franco-américaine risque fort ici, de se briser. Au-delà de cette idylle, espérons qu’avec cette visite de Hollande, les peuples africains assoiffés de liberté, de démocratie, de paix et de justice sociale, assisteront, enfin à «une synthèse féconde» entre intérêts français et américains sur leur continent. Jusque-là, beaucoup d’engagements internationaux envers l’Afrique n’ont pas été tenus, ouvrant ici une ère de désillusions complète. Quiconque, en France et aux Etats-Unis, méconnaît cette réalité, risque de compromettre le bel avenir des politiques de coopération franco-africaine, et américano-africaine. En attendant, économiquement, stratégiquement, la coopération entre la France, les Etats-Unis et l’Afrique ne s’improvise pas.
Cet article a d’abord et publié dans Le Pays