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Au Liberia, la contestation passe par le hip-hop

Ils ont grandi en écoutant les rappeurs du Wu-Tang Clan ou Tupac Shakur. Inspirés par le hip-hop américain, les jeunes Libériens ont créé leur musique populaire à eux, le hip-co.

Le «co» est l’abréviation de colloqua, l’anglais créolisé du Liberia, le langage de la rue. Sur fond de pauvreté et de chômage, le hip-co est devenu un mode d’expression, voire de contestation. Une véritable révolution culturelle, selon le site This is Africa.

Beaucoup de ces rappeurs ont fui durant les quatorze années de guerre civile qui ont ravagé le Liberia du temps de Charles Taylor. Depuis 2003, la reconstruction du pays est lente, et 80% de la population vit avec moins d'un dollar par jour.

C’est dans cette période de transition que le hip-co, mélange de hip-hop américain et de zouk africain, a émergé. Avec cette musique unique, les jeunes parlent de quotidien difficile, d’une jeunesse marginalisée.

«Si nous voyons les politiciens faire des trucs tordus, nous allons en parler, déclare Bantoe, l’un de ces artistes. On ne va laisser personne nous empêcher de dire la vérité dans notre musique.»

Takun J a 31 ans, c’est l’un des rappeurs libériens les plus connus. Pour lui, «le musicien est aussi un politicien».

Ses chansons sont autant de réquisitoires contre la corruption, notamment policière. Il dénonce par exemple le racket organisé et ceux qui demandent des pots-de-vin en inventant des délits imaginaires.

Quelques labels locaux permettent aux rappeurs d’enregistrer de manière indépendante. Mais l’industrie musicale, encore trop peu développée au Liberia, reste un véritable frein. Une seule entreprise détient le monopole sur la fabrication et la distribution de CD et de cassettes, qui dominent encore largement le marché. Cellcom, une des rares sociétés libériennes (téléphonie mobile), sponsorise bien quelques rendez-vous musicaux, mais c’est la seule à le faire.

Il y a donc beaucoup d’adeptes, pour très peu d’argent. Alors quand Takun J et ses amis ont suffisamment de matière pour faire un CD, ils vendent les chansons et leurs droits d'auteur pour quelques milliers de dollars libériens. Leur marge de négociation avec l’unique distributeur est mince.

«C’est comme si on était des esclaves, raconte Bantoe. On travaille dur, et il l’achète pour pour rien ou presque».

C’est pourquoi bien souvent, les jeunes se retrouvent obligés de faire appel à des politiciens pour parrainer la production de leurs albums. Un effet pervers qui en amène certains à écrire des chansons dociles vis-à-vis de la classe politique, ou à diffuser directement la propagande, à l'instar de nombreux musiciens congolais.

Le DJ new-yorkais Boima Tucker estime que le hip-co pourrait déclencher la vague démocratique à laquelle aspirent les Libériens, à condition que les artistes puissent vivre de leur musique.

Lu sur This is Africa, IRP