mis à jour le

Kadhafi menacé par le vent du changement
Même la très secrète Libye n’est pas épargnée par le «printemps des peuples» arabes. Au pouvoir depuis 1969, le colonel Kadhafi devra changer de cap pour sauver son régime.
La Libye n'est pas épargnée par le vent de contestation arabe. Mouammar Kadhafi, 68 ans, fêtera cette année ses 42 ans de pouvoir, au moment où des groupes d'opposition —essentiellement actifs sur Internet— annoncent une manifestation hostile au régime pour le 17 février. Le «Guide» libyen, connu pour ses positions déroutantes, aurait déjà annoncé qu'il était prêt à y participer.
Kadhafi craint la révolte
Coincée géographiquement à ses frontières est et ouest par les révolutions tunisienne et égyptienne, la Libye vient d'entrer dans la zone de turbulence avec l'annonce de cette «journée de la colère» prévue à Tripoli pour le 17 février. A la base, un schéma similaire à celui de ses voisins: des groupes Facebook hyperactifs de plusieurs milliers de membres, gérés par une majorité d'étudiants, relayés par des opposants «réels» mais aussi par des appels de la communauté libyenne exilée. Au final, une Conférence nationale pour l’opposition libyenne, qui décrète à travers les réseaux Internet une manifestation.
Dans l'urgence et la précipitation, Kadhafi a réuni une cellule de crise. Le colonel a «activé» son Agence de sûreté intérieure, dont le travail consiste essentiellement à traquer les opposants politiques, dont plus de 500 seraient actuellement en prison.
Pour parer à toute éventualité, Kaddhafi a brandi la loi 71, qui interdit toute activité politique indépendante, passible de la peine de mort. Arrivé au pouvoir grâce à un coup d’Etat militaire en septembre 1969, le jeune capitaine Kadhafi a renversé le roi Idriss Ier et tient le pays depuis, à travers un système hybride sans équivalent dans le monde, opposé tout autant au marxisme qu'au capitalisme.
Des comités révolutionnaires élus gèrent toutes les institutions et structures du pays et un Congrès général du peuple légifère, le tout dans une joyeuse ambiance de corruption sous la direction arrière de Kadhafi —qui ne détient aucun titre officiel, n'étant même pas le chef de l'Etat, ni général. Tout juste colonel.
Loufoque Kadhafi
Connu pour ses frasques et ses déclarations tonitruantes, le guide libyen reste une attraction pour les médias —même s'il est surtout connu par les Libyens pour sa férocité. Au chapitre des impossibles, en 2009, il a accusé la Suisse à l'ONU de financer le terrorisme international par ses comptes secrets. Il a appelé à diviser la Suisse en trois pour en donner «selon les affinités ethniques» les parties à ses voisins italiens, français et allemands.
Juste avant, il avait prôné la partition du Nigeria. Il a invité la France à indemniser l’Algérie pour la période de colonisation et appelé l'Europe à se convertir à l'islam. Il s'est fait nommer Roi des rois africains. Il a affirmé que les Indiens d'Amérique étaient d'origine libyenne.
Le colonel Khadafi a voulu se présenter il y a quelques années à la présidentielle italienne, arguant du fait d'être un ancien italien du temps de la colonisation. Selon une chaîne israélienne, il serait juif par sa mère, à en croire le témoignage d'un membre de sa famille. Des médias français lui ont prêté des origines corses. Quand il n'a rien à faire, il dessine des voitures dans son pays, pendant que sa fille Aïsha entretiendrait une liaison avec son ami Berlusconi, grand amateur de jeunes femmes.
Pas si fou, le colonel
Mais au-delà de son côté un peu loufoque, Mouammar Kadhafi a tourné la page de la colonisation italienne en réussissant à obtenir le versement d'indemnités italiennes à la Libye. Il a aussi fait évacuer les bases militaires américaines de son pays dans les années 70 et a pu rétablir ses relations diplomatiques avec le Royaume-Uni après l'attentat de Lockerbie.
Il vient d'annuler la dette de la Guinée à l'égard de son pays et assure une relative bonne répartition des richesses pétrolières à sa population. Il a interdit la polygamie et s'est fait déclarer «hérétique» par les hautes autorités de l'orthodoxie religieuse du monde musulman.
Ce qu'il ne pourra pas faire après le 17 février en revanche, c'est imposer son fils Seif Al-Islam, très présent dans la sphère politique, pour prendre sa succession. Comme le souhaitait Moubarak, comme l'a fait Hafez Al Assad (le président Syrien), ou comme ne pourra pas le faire Bouteflika avec son frère. Même en Libye, certaines pratiques ne peuvent plus avoir cours.
Chawki Amari