mis à jour le

Libye: le mauvais pari sur la charia
En instaurant la charia, les Libyens ont cru pouvoir calmer les ardeurs des groupes radicaux et salafistes, mais le pire ne fait que commencer.
La Libye n’a toujours pas de Constitution, mais elle a déjà des textes sacrés auxquels se référer. Ces textes, ce sont le Coran, la Sunna et les Hadiths, sources principales de la charia, la loi islamique. A ceux qui doutaient encore de la piété des élus libyens, le Parlement a rappelé mercredi 4 décembre 2013 son attachement aux préceptes de l’Islam.
Réunis au sein du Congrès général national (CGN), les députés ont homologué la création d’un Comité spécial qui aura pour mission de vérifier la conformité de la législation à la charia rapporte El Pais.
«Toutes les institutions de l’État doivent se conformer à cela», a affirmé le président du CGN interrogé par Reuters après le vote.
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, les responsables politiques se sont succédé à la barre du navire libyen chancelant pour affirmer leur adhésion à la loi coranique.
«La charia? Mais il n'y aura pas de débat! Tout le monde est pour, en Libye, tous les partis y ont fait référence pendant la campagne électorale, et tous la voteront», affirmait ainsi Othman Bensassi, alors leader du Conseil national de Transition libyen (ancêtre du CNG) avant les élections de juillet 2012.
Depuis lors, ce parti modéré sur le plan religieux avait dû composer avec une chambre hétéroclite, 120 des 200 sièges ayant été attribués à des candidats sans étiquette dans un scrutin uninominal distinct. Un désordre qui compliqua la tâche du gouvernement d’Ali Zeidan déjà mis à mal par l’insoumission des milices et le fédéralisme du Cyrénaïque. Pour tenter de sortir de la crise politique, l’élection d’une Constituante doit avoir lieu le 24 décembre 2013. Les 60 personnes désignées s'atteleront à la rédaction de la loi fondamentale libyenne, en s’inspirant de la charia.
Mais pour Taufi Ebrik, député de l'AFN, cela s'avérera insuffisant:
«Les problèmes ne font que commencer car les milices ou les groupes salafistes ne considèrent pas que c'est la Constitution qui doit gouverner ce pays. Nous devons faire pression sur ces groupes islamistes pour qu’ils se conforment aux désirs de la population libyenne. Nous pouvons négocier avec les frères musulmans en coulisse, mais nous devons le faire maintenant, avant que la Constitution soit édictée.»
Si, d'après un sondage de l'Institut pour la démocratie, 44 % de la population souhaite que la charia soit la source principale de la loi, tous ne voient pas d’un bon œil l’agitation des groupes radicaux. Ces dernières semaines, plusieurs manifestations contre les salafistes et Ansar al-charia ont été organisées à Benghazi et à Derna, afin de protester contre les attaques commises contre l'armée libyenne.
Lu sur El Pais