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La couleur pourpre du raisin sud-africain
En Afrique du Sud, le secteur du vin est prospère, mais les travailleurs des vignes n'en récoltent pas les fruits.
Sous le ciel orangé du mois de février, une rangée d’hommes en bleu s’affaire. A Languedoc, dans la banlieue ouest du Cap, l’été touche à sa fin et les vendanges commencent à peine. Déjà, le rythme est soutenu, la paie se fait attendre. Cinq euros par jour, là où un Français en touche une cinquantaine.
En Afrique du Sud, le vin est un secteur porteur. Ces dix dernières années, les ventes ont explosé, passant de 174 millions de litres en 2001 à 350 millions en 2011. À ce jour, le chiffre d’affaires global cumulé tourne autour de 6 millions d’euros. Mais la croissance se fait à marche forcée.
«Bien que les profits aient augmenté pour les producteurs, les travailleurs n’en ont pas profité», confie Anthony Dietrich, du South Africa Wine Industry Trust, une organisation qui a pour mission de réformer l’industrie. Les 40.000 récolteurs sont parmi les moins bien payés du pays, s'alarme le magazine New African.
Ils sont pourtant la cheville ouvrière du rayonnement international de Johannesburg. L’Afrique du Sud est le huitième producteur de vin mondial et ses bouteilles figurent en bonne place dans les caves britanniques, allemandes, suédoises, hollandaises ou américaines.
«C’est trop facile d’accuser les agriculteurs se défend Pieter. J’aimerais les payer plus, mais je ne sais comment. J’ai une petite production et je n’ai pas mon mot à dire. Mes clients m’offrent un prix pour mes grappes, et c’est à prendre ou à laisser.»
Les grandes exploitations, comme celle de l'homme d'affaires Anton Rupert, payent également mal leurs employés. Le multimillionaire pratique certes aussi la philanthropie, mais la vente de vin fait partie de son activité marchande. Cinq euros par jour, c’est le prix du marché.
Depuis début 2012, un dialogue a donc dû être engagé par les travailleurs de la région du Cap. Le vin a beau être «ce qu’il y a de plus civilisé au monde» —pour citer Rabelais— ce dialogue a débouché sur des mouvements de grèves violents. Suffisamment pour faire plier le gouvernement, qui a augmenté le salaire minimum à 11 euros par jours. Le prix d'une bonne bouteille.
Lu sur New African