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En Libye, les rebelles créent leur compagnie pétrolière
Les insurgés sont en possession de plusieurs puits de pétrole au sud-est du pays.
Avec son smoking sombre et son regard confiant, Ibrahim al-Jathran a l'allure d'un jeune chef d’Etat. Dans le paysage chaotique libyen, l’homme représente sans conteste une rareté. Il est de ceux qui troquent la barbe et le treillis pour les habits diplomatiques sans faire sourciller. Comme si le retournement de veste était chez lui quelque chose de naturel.
Dans un récent article, The Wall Street Journal revient sur les premiers pas d'al-Jathran dans le monde de la politique : Après avoir passé 7 ans en prison celui qui est alors considéré comme un des opposants les plus farouches au régime cède, en 2011, aux sirènes du pouvoir. Du moins, c'est ce que pense Mouammar Kadhafi, lorsqu'en février, il réussit à l'embaucher pour assurer la défense de Tripoli. Mais al-Jathran a senti le vent tourner. Il accepte les armes du « frère guide » et s’engage dans le camp adverse, jouant même un rôle prépondérant dans la chute de la dictature, en place depuis 1969.
Autonomie
Pour le récompenser, le Premier Ministre Ali Zeidan confie au chef de la brigade de « Hamza » la protection des puits de pétrole de la Cyrénaïque, au sud-est du pays. En lieu de protection, al-Jathran offre au nouveau pouvoir libyen un soulèvement. A la mi-juillet, il mène la fronde des employés de la Petroleum Facilities Guard (PFG), l’agence publique qui dépend du ministère de la Défense. Fort de ce succès il décide de prendre possession des principaux sites de la région, notamment celui d’Es Sider.
Face à un pouvoir affaibli, al-Jathran a depuis lors multiplié les provocations, revendiquant l’autonomie de la Cyrénaïque tout en se targuant de vendre du pétrole pour son compte. Un affront de taille pour le gouvernement puisque 90% des recettes à l’exportation proviennent de l'or noir et du gaz. D’après l’agence Reuters, les pertes s’élèvent à quelques 5 millions de dollars sur les trois derniers mois.
Contrôle des puits
En août, le chef des rebelles est toutefois apparu plus modéré. Dans les médias libyens, et sur la chaine de télévision satellite qu'il a lancée, al-Jathran a affirmé vouloir se battre contre l’accaparement des ressources par Tripoli et s’est déclaré favorable au fédéralisme. Maintenant qu’il a acquis une certaine force de négociation, l’homme semble ouvert au dialogue.
Son pouvoir a été renforcé par le ralliement de Abd-Rabbo al-Barassi, un commandant de l’armée de l’air ayant fait défection. Dimanche 10 novembre, c’est al-Barassi qui officialisait la création d’une compagnie pétrolière ainsi que d’une banque régionale basée à Tobrouk d'après les informations reccueillies par The New York Times. Plusieurs observateurs estiment qu’un rapprochement entre la milice et d’autres groupes régionaux tels que le Bureau politique de la Cynéraïque et le Conseil National de transition de la Cyrénaïque ont pu être à l’origine de cette annonce.
Lu sur The New York Times, The Wall Street Journal, Vice et Reuters.