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Libye - L’espion était une femme

Quasiment insoupçonnable, ou presque… A 24 ans, une jeune Libyenne a renseigné pendant des mois l’Otan sur les installations militaires kadhafistes, rapporte le Daily Mail le 13 septembre. «Nomidia» était l'une des sources d’information extrêmement fiables sur le sol libyen. Son atout majeur? Etre une femme dans un pays musulman.

«Ils se concentraient sur les hommes et il leur était presque impossible d'imaginer qu'une jeune femme fasse tout ça», a déclaré Nomidia. De son propre chef, elle a contacté une chaîne de télévision libyenne anti-Kadhafi, Al Ahrar, hébergée à Doha, au Qatar.

La femme mince au foulard vert drapé sur la tête «s’est sentie obligée d’agir face à la brutalité des forces de Kadhafi pour réprimer la révolte dans les villes du pays».

Al Ahrar diffusait régulièrement sa voix, mais lorsque ses informations sont devenues trop sensibles, les responsables de la chaîne ont pris contact avec l’Otan, via le Conseil national de transition (CNT).

Des renseignements qui portaient «essentiellement sur les sites où étaient stockés des armes et des chars», précise Lina, productrice de la chaîne et principal contact de Nomidia à l'étranger. Et d’ajouter:

«Elle a fait un boulot formidable. C'était assez courageux. Je connais beaucoup de gars qui n'auraient pas fait ce qu'elle a fait à Tripoli à ce moment-là».

Au moins trois sites importants ont essuyé des frappes de l’Otan sur la base des renseignements fournis par Nomidia: le camp militaire du 7-Avril dans le quartier de Baouabit al Djibs, un bâtiment des services de renseignement à Sidi El Masri et un site de stockage d’armes du quartier de Salaheddine, à Tripoli.

L’Otan, de son côté, procédait à des missions de reconnaissance des cibles, à l’aide de satellites et de drones. Mais Kadhafi installait parfois ses bases sur des lieux civils. Il était ainsi impossible de savoir qui se trouvait à l’intérieur, civils ou militaires.

Dans ce genre de contexte, la jeune femme, ingénieure de formation, a pris d’énormes risques pour renseigner l'Otan:

«Je circulais en voiture et me rendais sur les lieux, je surveillais, observant parfois pendant des heures, pour être sûre qu'il fallait bien frapper là», raconte la Libyenne.

Mais le plus dangereux était de transmettre ces précieuses informations. «J'utilisais un bon nombre de téléphones portables. J'ai eu recours à 12 cartes SIM et à sept portables différents», explique-t-elle. Il lui fallait changer fréquemment de quartier à Tripoli pour émettre mais aussi pour brouiller les pistes.

«Je m'attendais à être arrêtée à tout moment. […] Je n'avais pas peur du tout... Je savais que je réussirais. Que tout le monde réussirait.»

En attendant, elle souhaite toujours garder l'anonymat, estimant qu'il existe encore une «cinquième colonne de forces loyales à Kadhafi qui pourrait cibler (sa) famille».

Lu sur le Daily Mail, Reuters