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Où est passée la bravitude de Ségolène Royal?
Pour le dramaturge camerounais Eric Essono Tsimi, l'ex-candidate à la présidentielle doit s'allier avec François Hollande, si elle veut continuer à exister.
Mise à jour du 26 juillet 2012: La candidate socialiste malheureuse à la présidentielle de 2007 et aux législatives de 2012, Ségolène Royal, ne se rendra pas l'université d'été du Parti socialiste du 24 au 26 août prochain à La Rochelle. A l’inverse, elle devrait se rendre, le 23 août, en Afrique du Sud, pour participer au congrès de l'Internationale socialiste, dont elle est vice-présidente.
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Battue par Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007, battue par Martine Aubry lors du congrès du Paris socialiste à Reims en 2008, Ségolène Royal est en 2011 devancée par ses principaux concurrents dans les sondages d'opinion pour la primaire socialiste. Que s’est-il passé, qui ait plombé son envol? Sans doute est-ce dans sa vie privée et dans l’inconscient collectif qu’il faut trouver les raisons du désenchantement des Français vis-à-vis d’elle. Comment comprendre autrement qu’avec le même menton magnifique et la même denture étincelante, qu’avec une égale constance dans sa bravitude, sa gaffitude, son afritude, et une certaine free-attitude, elle séduise moins voire plus du tout? N’y a-t-il pas eu une espèce de transfert qui s’est opéré, au point de déplacer la cote d’amour, le capital de sympathie suscité en 2006, vers son ancien compagnon, François Hollande?
Si le père de leurs quatre enfants n’a jamais eu d’expérience ministérielle, c’est en raison de ce que certains choix auraient été faits à son détriment, pour ménager sa carrière à elle. Vu de notre fenêtre africaine, François Hollande, que nous étions si peu disposés à admirer, est donc apparu un homme d’abord dominé, ensuite délaissé, et par cela même, finalement, apprécié. Sa belle l’a campé au carrefour (pour utiliser un africanisme évocateur), comme une chaussette trouée, comme un caillou dans ses talons, comme «le seul défaut» qui aurait obéré l’envolée de Ségolène «vers d’autres victoires» qui ne sont, aux dernières nouvelles, jamais venues.
Pourquoi elle ne détonne plus?
A force de défendre la cause tibétaine, «Ségo» a fini par ressembler aux lamas tibétains, qui disent des choses assez belles en théorie mais souvent sans écho dans la pratique. Ségolène n’arrive plus à déranger, à détonner, à choquer, ou à faire rigoler, c’est bien le signe qu’après avoir manqué d’être, elle peine à exister, elle rame indéfiniment dans ses propres cendres, et il est intéressant de mettre sa situation en parallèle avec le désormais chouchou des enquêtes d'opinion pour l’investiture socialiste de 2011, qui n’est nul autre que François Hollande, comme par hasard. On peut certes attaquer cette interprétation (transfert psychologique) au motif que, entre la chute de Ségolène Royal et l’ascension de François Hollande, il y a eu Dominique Strauss-Kahn, il ne faut néanmoins attacher aucune signification décisive à cet argument, qui ne tire pas à conséquence dans le schème et la logique de notre grille de lecture.
On n’ajoutera pas à la rupture consommée de l’ancien couple socialiste, en demandant qui animera l’«hollandosphère» ou comment ils se partageront les suffrages de leurs enfants. Mais il est évident que pour revivre dans le cœur de ses plus chauds partisans, notamment africains, il lui faudra montrer plus de fair-play. Ségolène n’a pas à se poser en «femme fatale» sur le chemin de Hollande, elle n’a pas le droit, selon notre optique, de conspirer contre Hollande, qui l’a soutenue quand ils étaient ensemble, elle était alors la plus en vue. C’est à son tour, même s’ils ne sont plus ensemble, de travailler résolument à la désignation de son ancien compagnon à l'investiture socialiste, puisqu’il est entendu que celui-ci est actuellement le favori. Si l’on s’autorise le mot de conspiration, c’est parce que la presse française s’est fait l’écho d’un possible arrangement en novembre 2010 entre Aubry, Strauss-Kahn, et Royal. Faire un pacte, d’association ou de non-agression, n’équivaut-il pas en l’espèce à faire un pacte contre tous les rivaux politiques qui ne sont pas partie à ce contrat?
Pour se consoler de ses déboires français, elle se serait attachée les services amoureux d’un sujet de sa majesté Mohamed VI. Il y a toujours eu chez cette dame une vraie passion de l’Afrique, un «lien charnel» que ne peut expliquer sa seule naissance à Dakar… La France n’est peut-être pas le pays le plus conservateur qui soit, mais nul ne saurait dire si les Français sont prêts à remettre leur destin national en des mains africaines. Cela dit, en s’en tenant au yo-yo de l’opinion publique ou aux simples lois de la physique, on peut conclure partiellement que tout ce qui descend est appelé à remonter, fût-ce sous une forme différente, les traversées du désert font comme partie de la «sociologie implicite» du jeu politique français. Ses fidèles n’ont pas fini de compter avec elle. Il n’y a pas en général dans les trajectoires politiques en France, de progrès «unilinéaire» comme dans l’ordre scientifique: she will be right back! La grande inconnue, au milieu de la pluralité des déterminations, demeure quand et comment.
Désirs d’avenir, un désir dépassé?
Ségolène Royal devra s’armer de beaucoup de patience, d’humilité (vertu rarissime en politique). Elle n’a rien commis d’irréparable, mais sa remontée sera moins mécanique que celle de Strauss-Kahn, par exemple. En 2010, un magazine économique, L’expansion, dans un classement des meilleurs gestionnaires à la tête des régions françaises, la mettait dans une peu glorieuse place, 17e sur 21! C’est dire si au-delà des sarcasmes auxquels elle prête habituellement le flanc, elle devra désormais faire oublier ses performances de gestionnaire moyenne et, pourquoi pas, retrouver un mandat national, comme celui de députée. Le renouvellement de l’aventure parlementaire est improbable et risque, de toute manière, de n’être pas nécessaire si le PS emporte le morceau à la présidentielle de 2012. Mais, c’est en tant que députée qu’elle pourrait le mieux défendre sa position sur le cumul des mandats et faire évoluer la situation suivant ses convictions, quoique par le passé, elle n’ait pas spécialement marqué les esprits par son dynamisme. En 2006, le magazine L'express, la mentionnait à la 469e place sur 577, dans un classement des députés les plus actifs.
Au lieu de se recroqueviller sur son quarteron de partisans, dans son fief du Poitou-Charentes, au lieu de cultiver sa différence qui avait un sens quand elle faisait son one-woman-show au Parti socialiste et caracolait en tête des sondages, elle devrait faire jouer les alliances à l’intérieur de son parti, l’alliance la plus naturelle étant celle avec le père de Thomas, Clémence, Julien et Flora. Ces dernières années, c’est essentiellement dans la séparation et la contestation qu’on l’a vue. L’entêtement et l’illusion de leur propre grandeur n’ont pas toujours souri à ceux qui s’y adonnent.
Notre idée et notre recommandation sont que Ségolène Royal, le moment venu, devra renvoyer l’ascenseur à Hollande, cela dès le deuxième tour de la primaire socialiste, mais idéalement, en se désistant en sa faveur dès les consultations du premier tour, au cas où les enquêtes d’opinion ne s’amélioreraient pas pour elle. Non pas qu’il faille se soumettre aux diktats des instruments de mesure de l’opinion, mais parce qu’il faut éviter de renvoyer l’image d’une Hillary Clinton à l’envers, perdue dans une confrontation dont elle peut faire l’économie, face à un partenaire qui lui fut loyal en son temps, au moment où tout concourt à prouver qu’elle n’est plus la voix prédominante du Parti socialiste.
Royal doit se résoudre à être hollandiste pour 2012, l’arme sécrète dès 2011, plutôt que de s’obstiner dans un combat d’arrière-garde pour l’investiture socialiste.
Eric Essono Tsimi
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