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Lampedusa ou l'urgence d'une politique migratoire respectueuse de la vie humaine
Pour Geneviève Garrigos, présidente d'Amnesty International France, le contrôle des flux migratoires ne peut pas primer sur le respect de la vie.
Depuis l’île italienne de Lampedusa, les images des corps ramenés au sol par les plongeurs et les témoignages de désespoir des survivants du naufrage qui, le 3 octobre, a entraîné la mort de centaines de personnes en provenance d’Erythrée et de Somalie, continuent de susciter émoi et indignation.
Des faits qui rappellent que les flux migratoires ne sont pas qu’une question de statistiques, brandies par les gouvernements européens pour apaiser les craintes de leurs opinions publiques face «aux hordes de migrants envahisseurs», mais bien des personnes de chair et de sang qui, pour une très grande partie, sont en quête d’un refuge, d’une protection.
Et si les eaux qui entourent la petite île de Lampedusa se sont à nouveau tragiquement transformées en cimetière, c’est toute la Méditerranée qui, chaque année, ensevelit plusieurs centaines de personnes tentant de la traverser à la recherche d’une protection ou d’une vie meilleure.
Le 30 septembre, 13 migrants se sont noyés lorsque le bateau qui les transportait s’est échoué dans la région de Raguse, en Sicile. Les trafiquants qui se trouvaient à bord du bateau en train de couler auraient forcé les migrants à sauter dans la mer en les fouettant et en les menaçant avec des couteaux.
Pourtant, chaque année, sous la pression de ses membres, l’Union européenne (UE) ne fait qu’accroître ses capacités pour contrôler les flux migratoires sans se soucier de ceux qui perdent la vie dans cette traversée. Une politique commune qui a conduit certains Etats à refouler des demandeurs d’asile en provenance de Syrie, du Soudan, d’Erythrée, et de bien d’autres pays en guerre ou aux mains d’autocrates liberticides. Une violation grave du droit international et des Conventions de Genève qui garantissent à chaque individu de pouvoir trouver refuge lorsque sa vie est menacée.
Combien d’images de corps flottant dans l’eau ou échoués sur les plages faudra-t-il encore pour que les politiques prennent la pleine mesure du drame qui se joue sur les rives de la Méditerranée? Pour qu’ils cessent de faire de la politique migratoire de l’Union européenne un enjeu de politique nationale? Pour qu’ils développent les opérations de recherches et de sauvetage, afin d’éviter que d’autres personnes perdent la vie?
Le 9 octobre, Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, à qui était remis en 2012 le prix Nobel de la paix pour l’UE, se rend sur l’île. Cette visite ne doit pas se limiter à honorer la mémoire des victimes, à apporter son soutien à la population. Il doit prendre toute la mesure de la tragédie qui se joue aux frontières de l’UE. Il doit s’engager à faire pression sur les chefs des Etats pour que l’UE se dote enfin d’une politique migratoire respectueuse du droit à la vie des personnes, quels que soient leur pays d’origine, leur religion, la couleur de leur peau.
Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France