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Dans la tête d'un chef terroriste d'Aqmi
Le site RFI diffuse en exclusivité la feuille de route d'Aqmi, retrouvée le 16 février dernier à Tombouctou.
La nébuleuse djihadiste al-Qaïda au Maghreb islamique avait des projets au Mali. Dans un document daté du 20 juillet 2012, le chef d'Aqmi, Abdelmalek Droukdel, dévoile ses ambitions. Retrouvé le 16 février 2012 par Nicolas Champeaux et Jean-Louis Le Touzet, envoyés spéciaux de RFI et Libération à Tombouctou, ce vade-mecum représente la seule source écrite attestant de l'existence d'une stratégie djihadiste au Nord-Mali. Comme le rappelle RFI, c'est la première fois que l'intégralité d'une archive comme celle-ci est diffusée.
Dans ce document, articulé en six chapitres, et rédigé en arabe classique, Droukdel procède à un revirement stratégique. Il souhaite supplanter les pratiques terroristes par une gouvernance plus douce. L’homme, responsable de la mort de centaines de civils, notamment en tant que membre du GSPC lors de la guerre civile algérienne, «aspire à gagner les cœurs et les esprits des populations, note RFI. Plus par pragmatisme que par idéologie, et sans doute parce qu’il a tiré les leçons de l’échec de son jihad en Algérie.»
Eduquer avant d'imposer la charia
Quatre mois après l'arrivée d'Aqmi au Nord-Mali, il appelle donc les siens à plus de flexibilité et de patience, en se référant, à plusieurs reprises, au cheikh Oussama Ben Laden. Le chef sanguinaire pense qu'il faut d'abord éduquer les populations avant de leur imposer l'application de la charia:
«Il est très important de considérer, écrit-il, notre projet islamique dans la région d'Azawad comme un nouveau-né qui doit passer par des étapes avant de grandir. Ce nouveau-né est aujourd'hui à ses premiers jours, il ne marche même pas encore, alors est-il prudent de lui faire porter des fardeaux qui l'empêcheraient de se lever et pourraient même l'étouffer! (...) si nous voulons vraiment que ce bébé grandisse dans ce monde truffé d'ennemis puissants et prêts à l'achever, il faudrait le traiter en douceur et l'aider à grandir.»
Dès cette époque, l'émir Droukbel évoque l'imminence d'une intervention étrangère pour les chasser du Mali. Selon lui, cet engagement militaire les pousserait à se retrancher sur des bases arrières. Il ne s'est pas trompé: six mois plus tard, l'opération Serval mettait fin à près d'un an d'occupation des principales villes du Nord-Mali.
«En prenant en compte cet important facteur, il convient donc d'éviter les excès, préconise t-il. L'idée d'un Etat islamique stable est encore "prématurée".»
Si dans un premier temps, le chef d'Aqmi privilégie la méthode douce, ces ambitions à long terme sont claires: la formation d'un haut Conseil islamique chargé de veiller à l'application de la charia.
Un homme sans autorité?
Quel a été le poids de ce document dans la conduite des djihadistes au Mali? La feuille de route du chef d'Aqmi montre en creux son manque d'autorité sur le terrain et les divergences de stratégies parmi les djihadistes. Selon lui, de nombreux officiers d'Aqmi ont accumulé les erreurs: la destruction des mausolées à Tombouctou, la lapidation, l'application de la sentance de la fornication, l'interdiction aux femmes de se promener...
«Droukdel oscille entre optimisme et pessimisme, analyse RFI. Droukdel est en effet réaliste dans la mesure où il sait que ses hommes seront sous peu délogés. Il est en revanche optimiste lorsqu’il s’engage dans une longue réflexion sur les objectifs concrets d’un futur gouvernement transitoire dans l’Azawad, et lorsqu’il se livre à une répartition des portefeuilles ministériels.»
Lu sur RFI