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AADL, quatre raisons de ne pas y croire

Alors que la crise du logement persiste en Algérie, les promesses se multiplient sur fond d’une campagne électorale non affichée.

L’AADL (Agence nationale d’Amélioration et de Développement du Logement) a  créé, en 2001, un programme d’habitat, sous forme de location vente, adressé à la classe dite « moyenne ».  L’objectif étant de répondre à une crise du logement devenue pressante (13 ans plus tard, elle l’est encore plus). L’agence reproduit la formule, année après année.  Les demandes s’entassent jusqu’à pousser le gouvernement à décider d’un gel de la formule en 2007 pour assainir la situation. Mais la tâche s’annonce ardue et les demandes restent en suspens.

Présentation d'un projet de construction. Bouteflika entouré de son staff de réalisation, octobre 2008. Entre les promesses et la réalité, un fossé profond/ (Reuters).

Septembre 2013, le gouvernement relance la formule. Les inscriptions se multiplient ranimant l’espoir d’accéder à un logement financé par l’Etat à hauteur de 50%. Mais les anciens souscripteurs, plus particulièrement (de 2003 à 2005) qui ne sont toujours pas logés crient à l'injustice et plusieurs experts dénoncent les promesses du gouvernement jugées « irréalisables ».  Eclairage, en quatre mots.

A comme Attente

Ils ont été nombreux à s’y inscrire et à se prêter au jeu bureaucratique pour figurer sur les listes des heureux bénéficiaires. Ils obtiennent des avis favorables et des promesses de logements. A ce jour, des centaines d’entre-eux attendent encore. Les années passent. L’AADL reproduit pourtant la formule, année après année, jusqu’en 2005 alors même que les premiers inscrits ne sont toujours pas logés. L’établissement public à caractère industriel et commercial est très vite, pris d’assaut par des milliers de mal logés. La demande est plus forte que l’offre et les magouilles commencent.

A comme Affairisme

L’enjeu devient grand, le copinage et les passe-droits commencent à ternir la formule dès les premières années. Les souscripteurs mettent la main à la poche pour corrompre ou font jouer leurs relations, dénoncent plusieurs voix. Quelques heureux élus sont logés sans respect de l’ordre chronologique des inscriptions, des milliers d’autres attendent encore sur fond de compagnes électorales qui se suivent et se ressemblent. Le pouvoir exécutif enchaîne les promesses et aligne les chiffres pompeux pour calmer la contestation.

D comme Démagogie

«La crise du logement, une menace pour la stabilité du pays», dixit le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, devant les sénateurs lors de la présentation du plan d'action de son gouvernement, le 16 octobre 2012.

Près d'une année plus tard, l’ordre présidentiel tombe. La formule location-vente AADL doit être relancée. Parmi la population, le désespoir est tel que des millions de personnes, conscientes de la difficulté de voir leurs demandes sérieusement prises en charge, s'y accrochent tout de même. En Algérie, le flou politique a atteint son comble ses derniers mois, notamment à cause de la maladie du Président Bouteflika. Le logement, première cause des troubles à l'ordre public peut s’avérer très dangereux pour le régime qui aplanit la contestation sociale par tous les moyens ces dernières années.

L comme Leurre

«Il y a une forme de mépris du peuple et de manipulation outrageante dans la gestion de la formule AADL», explique le politologue Rachid Grim, interrogé par nos soins dans les colonnes du quotidien El Watan. Pour lui, «la formule n'a été ressuscitée que pour calmer une éventuelle contestation, donner l'impression que le gouvernement travaille sérieusement». Et d'ajouter : «Une fois les élections passées et que les attentes de ces milliers de personnes à qui on donne de l'espoir seront déçues, il y aura un risque d'explosion que le régime devra assumer.»

A quelques mois d'une Présidentielle (prévue en avril 2014) qui s'annonce houleuse, la crise du logement peut s’avérer être la pire menace pour la  stabilité du régime.

Fella Bouredji

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