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L'Afrique du Sud fête 10 ans d'émancipation économique des Noirs
L'Afrique du Sud a fêté jeudi le 10e anniversaire de son programme d'émancipation économique des Noirs qui a fait émerger une classe moyenne multiraciale inexistante sous l'apartheid.
Le système d'émancipation économique des Noirs (BEE) a toutefois produit un nombre encore insuffisant d'industriels noirs et reste source de nombreuses fraudes ou dérives clientélistes.
"Il y a des réussites et des difficultés", a admis le président Jacob Zuma, en ouvrant un sommet de deux jours à Johannesburg pour "réfléchir à ce qui marche et ce qui ne marche pas" dans la loi de 2003.
Parmi les échecs, il a notamment regretté que la participation noire à l'économie prenne surtout la forme de participation au capital, tandis que l'essor d'industriels noirs se fait encore attendre.
"Nous avons réalisé de grandes avancées en terme d'émancipation économique des Noirs et d'essor d'une classe moyenne noire, mais nous demeurons confrontés à des niveaux inacceptables de pauvreté, d'inégalité et de chômage", a déclaré M. Zuma, au pouvoir depuis 2009.
Le BEE impose aux entreprises de promouvoir à des postes de direction du personnel noir - terme générique désignant toutes les communautés délibérément brimées sous le régime de discrimination raciale, Africains, Indiens et Métis - ou de former du personnel noir et de s'approvisionner auprès d'entreprises à capitaux détenus par des non-blancs.
La loi modifiée pour éviter les fraudes
Les entreprises doivent publier un rapport régulier (chaque année pour les employeurs de plus de 150 salariés) et sont notées selon un système complexe de points: 50% des droits de vote à des "Noirs" au conseil d'administration vaut 2 points. L'entreprise gagne un point de plus si la moitié de ces décideurs "Noirs" sont des femmes. L'embauche de 2% de salariés "Noirs" et handicapés vaut 2 points et l'achat de 80% des fournitures à des entreprises noires vaut 5 points. Un score élevé permet par exemple de prétendre à des marchés publics.
Depuis la fin de l'apartheid en 1994, le nombre de cadres et de dirigeants noirs dans l'économie sud-africaine a nettement progressé, mais la majorité des très hauts responsables sont encore des Blancs de sexe masculin. C'est particulièrement vrai dans les mines (67% de hauts dirigeants blancs), les usines (plus de 66%) ou les exploitations agricoles (75%) selon des données de 2011.
Ce n'est pas nécessairement le manque de qualifications appropriées qui est en cause dans la faible proportion de très hauts dirigeants africains, selon l'Institut sur les relations entre les races (SAIRR).
Critiqué, le BEE alimente un juteux marché de consultants-experts que les entreprises rémunèrent pour optimiser leur score, et il défraye régulièrement la chronique avec des affaires de fraudes.
Les anecdotes abondent sur des patrons blancs ayant promu un sous-fifre au sommet de la hiérarchie pour contourner la loi et être bien notés, de même que les exemples de fortunes éclairs bâties par des dirigeants politiques ou syndicaux devenus les heureux propriétaires de gros paquets d'actions au simple fait d'être Noir, et si possible proche de l'ANC.
Dans le même temps, le BEE ne parvient pas à remédier au chômage endémique de la majorité noire, victime de la piètre qualité de l'école publique et de sa marginalisation historique et géographique - certains villages dépendant presque exclusivement de l'aide sociale.
Or, selon le dernier rapport annuel sur le marché du travail, "la qualité des emplois s'est détériorée et les emplois créés sont temporaires".
La loi vient de changer pour punir plus sévèrement la pratique du "fronting" (prête-nom). Les tricheurs encourent désormais des amendes allant jusqu'à 10% du chiffre d'affaires annuel et la prison.
"L'usage d'un prête-nom est impardonnable", a souligné M. Zuma jeudi, "car il donne une vision déformante et l'impression qu'il y a des progrès alors qu'il n'y en a aucun. C'est la raison pour laquelle nous allons travailler dur pour empêcher et éradiquer cette pratique".