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Ça ne sert à rien d'être un bon journaliste au Maroc
L'écrivain marocain Driss Ksikes dénonce l'arrestation du directeur du site d'information Lakomé, auquel la justice marocaine reproche la diffusion d'une vidéo d'AQMI.
«A quoi sert un bon journaliste au Maroc?», s'interroge l'écrivain et spécialiste des médias, Driss Ksikes. La récente affaire mêlant le directeur du site arabophone Lakomé et la justice marocaine est lourde de significations. D'après l'auteur, ce dossier comme les nombreux qui l'ont précédé, révèlent «plusieurs manifestations d’un autoritarisme, teinté de nationalisme exacerbé, qui plane à nouveau et refaçonne l’air du temps.»
Que reproche-t-on au journaliste marocain Ali Anouzla, directeur de Lakomé? Les autorités marocaines l'accuse d'avoir diffusé, par pure propagande, une vidéo virulente de 41 minutes d'al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) exclusivement consacrée, pour la première fois, au roi Mohammed VI.
Pour Driss Ksikes, ces accusations participent d'une campagne liberticide contre tous les journalistes «irrévérencieux, refusant la laisse de l’autocensure.»
Il poursuit:
«les prétextes varient (Sahara, islam, monarchie, stabilité, sécurité, etc.) mais le but n’a jamais changé: faire taire, par la dissuasion policière et judiciaire, les voix les plus crédibles et les plus audibles, qui s’autorisent d’eux-mêmes et ne se soumettent pas au diktat du consensus voulu d’en haut.»
Ceux là doivent s'attendre à des paroles haineuses de la part de ceux qui défendent le système. Ali Anouzla est tantôt désigné comme la «cinquième colonne», tantôt comme un «traître de la nation». Dans ce climat, à quoi sert d'être un bon journaliste au Maroc? Driss Ksikes tente d'y répondre avec un brin d'ironie:
«Enquêter sur le business florissant des courtisans? Trop risqué. Faire découvrir les voix alternatives au Sahara? Téméraire. Mettre à nu le discours des islamistes radicaux ? Dangereux. Faire parler la mémoire des proches du sultan? Irrespectueux. Sonder les avis des gouvernés sur le roi qui gouverne? Sacrilège.»
Lu sur Maghreb blog Le Monde.fr