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Les Jeux de la Francophonie, un truc pour humilier l'Afrique
Il s'en est fallu de peu pour que les délégations africaines n'obtiennent pas leur visa pour la France.
En 1189, un Capétien français déclarait: «Nous, Français, nous n’avons que du pain et du vin, et du contentement.» Mais il avait oublié un autre élément essentiel: la langue française. Pourquoi? Tout simplement, parce qu’elle est une formidable fenêtre ouverte sur le monde entier. Mais une fenêtre n’est pas une porte, et aucun être humain ne peut passer sa vie à regarder par la fenêtre.
Cela dit, l’Afrique dite francophone ne doit pas refermer cette fenêtre qu’est la langue française. A l’occasion de la 7e édition des Jeux de la Francophonie qui se déroulent à Nice, le monde francophone célèbre, à travers plusieurs compétitions sportives, dans la joie et la bonne humeur, ses retrouvailles.
Mais dès qu’il s’agit d’évoquer la Francophonie en tant qu’organisation fondée sur le dialogue des cultures à travers la promotion de la langue française, on ne peut dissocier ici «le culturel», le «sportif», l’«économique», le «politique».
Partage et solidarité
A l’origine, cette institution dont les inspirateurs et les donateurs comptèrent en leur sein d’éminentes figures intellectuelles et politiques africaines telles que Léopold Sédar Senghor, Amani Diori, a été pensée et mise en œuvre comme espace pour les peuples francophones de mieux se connaître et de mieux connaître le monde dans lequel ils vivent. Et, l’appartenance de certains Etats africains à la Francophonie devait leur assurer le soutien et la solidarité de la France, cheville ouvrière de cette institution.
Or, malgré la mondialisation en cours, on a le sentiment que le fonctionnement de la Francophonie répond, en réalité, aux seuls intérêts de la France. Comme si le destin de cette belle aventure humaine devrait dépendre du bon vouloir d’un seul Etat. Pourtant, avec la mondialisation, la lutte pour la suprématie et l’hégémonie mondiales est devenue culturelle. Et, c’est grâce à sa langue et à sa culture que la France s’assure un grand rayonnement sur la scène internationale, et met en avant son propre prestige.
Evidemment, les hommes ressentent et pensent plus les choses au moyen des mots plutôt qu’au moyen des images. C’est dire l’influence capitale de la langue et de la culture françaises sur le destin des sociétés africaines.
Mais à l’heure actuelle, tout montre qu’il manque à la Francophonie, cette «communauté de cœur», cet espace d’«humanisme», de «solidarité» et d’«espérance», ce que nous nommerions ici une intelligence créatrice, à savoir la cohérence et la profondeur de vue. Car, les valeurs et principes «humanistes» que prétend véhiculer et défendre la Francophonie peinent à se concrétiser dans le vécu de certains peuples francophones, notamment africains.
Contradictions et paradoxes
Comment comprendre la violence administrative abusive des autorités françaises, via les visas, contre les Africains? La délégation congolaise, invitée aux Jeux de la Francophonie, a pu réintégrer la compétition et cette fête sportive grâce à la saine colère d’Henri Lopès. Rappelons que cet éminent écrivain, homme politique et diplomate congolais, n’est pas à son premier coup d’essai. A maintes reprises, il n’a jamais cessé de dénoncer et d’attirer l’attention des autorités françaises, sur les brimades et les humiliations infligées aux Africains au sujet des visas. En vérité, la France officielle est tiraillée entre sa vocation dite «humaniste» et l’horreur que lui inspire l’immigration, notamment celle issue de plusieurs Etats francophones.
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C’est pourquoi, leurs initiatives ne semblent ni «rationnelles», ni «raisonnables». Et, c’est pourquoi, la Francophonie ressemble de plus en plus, à un mirage politico-culturel et diplomatique sans consistance, une organisation amorphe.
Les politiques d’humiliation des Africains, avec le refus de délivrer les visas, sont en train de faire perdre l’amour et l’estime de la France aux peuples africains, notamment aux jeunes du continent. D’ailleurs, la jeunesse africaine rêve plus à l’Amérique qu’à la France. Et certains Etats francophones tels que le Rwanda et le Gabon accordent une importante place à l’anglais dans leurs nouveaux dispositifs éducationnels. Décidément, pour les nouvelles générations africaines, la France n’est plus une terre promise.
Méfiance et suspicion
Cela dit, reconnaissons aux autorités françaises quelques circonstances atténuantes. A plusieurs reprises, on a vu des sportifs et artistes africains, invités à des manifestations culturelles et sportives en France, s’évaporer dans la nature, comme de vulgaires «terroristes», devenant, du coup, des clandestins locaux. Et de tels comportements ne peuvent que militer contre l’image de l’Afrique et des Africains, au sein des opinions publiques européennes.
De même, avec le terrorisme islamiste, la question sécuritaire est devenue une préoccupation constante des citoyens français. Et aucun dirigeant politique responsable ne peut l’ignorer, encore moins l’occulter. Mais au nom de quoi chaque Africain devrait-il devenir, aux yeux de chaque Français, un suspect?
Sans l’Afrique, la Francophonie restera une coquille vide. Quelle ironie de l’Histoire, puisque cette organisation est dirigée, avec ténacité et détermination, depuis plusieurs années, par un Africain de surcroît, un fidèle héritier et disciple de Senghor, l’ancien président sénégalais, Abdou Diouf!
Mais comprenons-nous bien: il ne s’agit pas ici de rejeter la Francophonie, mais de la guérir de son incohérence congénitale, qui favorise dans l’espace francophone, la dégradation des valeurs humanistes. Et, il ne s’agit pas non plus de suivre, ici, tous ceux qui veulent fermer la porte à la langue française sur le continent africain. Cela dit, si la confiance des Africains est perdue, la Francophonie est condamnée à disparaître. En attendant, halte à leur humiliation!