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Mpume Sikakane © Stéphanie Trouillard, tous droits réservés.
Mpume Sikakane © Stéphanie Trouillard, tous droits réservés.

Mpume Sikakane, la lionne militante

Depuis bientôt dix ans, chanteuse sud-africaine Mpume Sikakane fait partie de la troupe nord-américaine de la comédie musicale «Le Roi Lion». Activiste acharnée, elle récolte des fonds pour différentes causes africaines.

À quelques heures du début du spectacle, la loge des artistes est encore bien silencieuse. Le calme avant la tempête. Avec les nombreux fonds de teint ou fards à paupières posés sur les tables, les dizaines de peignoirs alignés, les costumes ou les masques rangés sur des cintres, difficile de ne pas imaginer l’atmosphère qui règne avant une représentation.

Depuis plusieurs semaines, les 102 artistes de la troupe du Roi Lion ont posé leurs valises à Montréal avant de poursuivre leur route vers Syracuse, Denver ou encore Miami. Une vie de saltimbanques que Mpume Sikakane connaît bien. Cela fait neuf ans que huit fois par semaine, six jours sur sept, trois heures par show, elle raconte l’histoire du prince Simba:

«Je joue tout le spectacle, du début jusqu’à la fin. Je suis l’une des femmes oiseaux, l’une des lionnes ou l’une des hyènes. Je fais un peu tout. Je suis aussi la doublure du personnage du singe Rafiki».

De Durban à Broadway

Devant le grand miroir qui lui est réservé, la chanteuse est ici chez elle: «J’ai l’impression que c’est ma seconde famille quand je ne suis pas à la maison». Très coquette, avec ses bijoux en or et ses cheveux impeccablement tirés en arrière, Mpume préfère ne pas révéler son âge.

«Ce n’est pas une question que l’on pose à une artiste, dit-elle en riant, mais je suis assez vieille pour avoir une fille de 15 ans.»

  Elle s’excuse aussi pour son mauvais accent: «Je n’ai appris l’anglais qu’au lycée. Quand j’étais petite, on ne parlait que zoulou». Avant de se produire sur la scène des plus grands théâtres américains, l’artiste est née dans un petit village près de Durban, en Afrique du Sud: «C’était très loin de la ville, dans la campagne».

Très tôt, la petite fille baigne dans un univers musical. Ses parents, très pieux, chantent à la maison et ne manquent jamais la messe:

«Je faisais partie du chœur de l’église et de la chorale de l’école. C’est là que j’ai su que j’avais un talent».

Repérée très jeune, elle devient professionnelle à l’âge de 18 ans. Partie vivre dans la grande ville de Durban, elle débute sur les planches dans une pièce du metteur en scène sud-africain Mbogeni Ngema, auteur de la célèbre comédie musicale Sarafina!. Séduit par le talent de sa protégée, il aide même Mpume à sortir son premier album en 2001.

Un an plus tard, la chanteuse passe avec succès l’audition pour la comédie musicale Le Roi Lion. Sa carrière prend alors une tournure internationale:

«C’est à New York que tout a débuté. J’ai joué pendant sept ans à Broadway. Et là, c’est ma deuxième année en tournée».

Engagement humanitaire

Consciente d’avoir échappé elle-même à la pauvreté, la chanteuse se préoccupe de ceux qui sont dans le besoin. Très active, elle aide différentes associations, notamment l’organisme new-yorkais Broadway Cares/Equity Fights Aids qui lutte contre la pauvreté et le sida à travers le monde.

«Nous allons souvent après les spectacles devant les entrées des salles pour récolter de l’argent. Mpume est une inspiration pour moi, car elle le fait chaque soir», raconte l’une de ses amies de la troupe, l’artiste américaine Electra Weston.

Très attachée à ses racines, la Sud-Africaine retourne régulièrement chez elle et constate de ses propres yeux l’impact de ses actions auprès de la population de son pays:

«Il faut voir ces enfants mourir de froid l’hiver, aller à l’école sans tee-shirt ni chaussures. Mais maintenant, quand je rentre, je découvre qu’ils ont reçu des vêtements grâce à Broadway Cares. Même si cela ne vient pas de ma poche, je suis contente de voir que j’y ai contribué».

Mais aujourd’hui, c'est Mpume qui a besoin d’aide. Au mois de janvier, sa maison familiale en Afrique du Sud a été détruite par une violente tempête:

«Mes parents ont été voir le conseil local de la ville pour leur demander si on pouvait reconstruire. Ils nous ont donné leur accord. Tout a été réparé, mais en mars, les autorités sont venues et ont détruit la maison sans nous en avertir».

La lionne ne peut plus retenir ses larmes. Entre deux sanglots, elle a du mal à raconter la tragédie qui a doublement frappé sa famille:

«Le jour suivant, j’ai appris que mon petit frère avait été poignardé à mort. Je ne comprends pas ce qui s’est passé et quelle était la raison. Il n’avait que 16 ans. Nous ne savons toujours pas ce qui lui est arrivé».

La solidarité des artistes

Choquée, elle essaie simplement de rebâtir cette maison qu'elle a payée grâce à son travail. Face à sa détresse, ses camarades du Roi Lion n’ont pas hésité une seconde et décidé d’organiser un concert-bénéfice à Montréal pour la soutenir:

«De voir quelqu’un qui aide tellement les autres avoir autant de difficultés, j’avais besoin de faire quelque chose pour elle. Le meilleur moyen de l’aider, c’était avec des chansons», explique Electra Weston.

Mais Mpume n’en oublie pas pour autant les autres. Elle sèche bien vite ses larmes et se évoque ses futurs projets. Elle sait qu’il reste encore beaucoup à faire en Afrique du Sud:

«Mon objectif est de bâtir un endroit, un jour, pour accueillir tous ceux qui n’ont pas de foyer. Je ferai en sorte qu’ils aient à manger, des vêtements, tout ce dont ils ont besoin».

Et pour y arriver, elle compte comme toujours sur son talent: «La musique c’est ma vie, je ne pense pas que je m’arrêterai un jour. Je vais chanter jusqu’à la fin».

Stéphanie Trouillard

Stéphanie Trouillard

Stéphanie Trouillard. Journaliste française spécialiste du Maghreb et du Canada.

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