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Amantle Montsho, la Botswanaise qui court plus vite que son ombre
En s’adjugeant la couronne mondiale du 400 mètres, Amantle Montsho a rapporté au Botswana la première médaille d’or de son histoire en athlétisme.
Les fans de suspense et de spectacle en ont eu pour leur argent lundi 29 août 2011 à Daegu (Corée du Sud), où se déroulent actuellement les 13e championnats du monde d’athlétisme.
Il est un peu plus de 21h, et la finale du 400 mètres dames, intense à souhait, a livré son verdict. A l’arrachée, la championne du Botswana Amantle Montsho vient de s’offrir la médaille d’or devant l’Américaine Allyson Felix, tandis que la Russe Anastasiya Kapachinskaya se pare de bronze.
Sans surprise, la course s’est réduite à un affrontement entre les deux favorites, Montsho et Felix. Sous la clameur du stade de Daegu, les deux athlètes se sont livré un duel titanesque, quasi insoutenable dans les derniers mètres. Et au moment de couper la ligne, Allyson Felix, triple championne du monde en individuel, doit rendre les armes, devancée d’un cheveu par Amantle Montsho (49’’56 contre 49’’59).
L’ascension progressive jusqu’au sacre
L’Américaine a certes battu son record personnel, mais sa déception est grande. Impériale sur 200 mètres à tous les Mondiaux depuis 2005, elle était à Daegu pour réaliser un doublé 200/400 inédit. C’était sans compter sur Amantle Montsho, l’étoile du Botswana, pays surtout réputé pour ses diamants. En «explosant» le record national, la nouvelle championne du monde entre dans l'histoire de l'athlétisme. Et c'est avec peine qu'elle retient des larmes de joie:
«Je suis tellement heureuse aujourd’hui. Je n’arrive toujours pas à y croire. Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont soutenu et m’ont rendue plus forte. Je voudrais aussi remercier les concurrentes. Elles m’ont poussé à courir plus vite, en particulier Allyson Felix», a-t-elle déclaré à l'issue de la course.
Peu après que l’hymne botswanais a retenti dans le stade sud-coréen, la sprinteuse s’est présentée à la presse, rayonnante de bonheur. Quel chemin parcouru depuis son enfance à Mabudutsa, un village du nord du Botswana! La jeune fille, bien que plus rapide que tous ses camarades d’école, n’avait pas de destin tracé vers le toit du monde. Alors elle s’est battue pour l’atteindre.
«Je ne suis pas née dans une famille de sportifs, mais grâce à mon courage et à mon travail, je suis arrivée où je suis aujourd’hui», a-t-elle confié.
Pour atteindre ce niveau, Amantle Montsho a dû s'employer et faire des sacrifices. Comme le choix de quitter son pays natal en 2005, où elle ne pouvait bénéficier de conditions d’entraînement optimales. Direction le Sénégal et le Centre international d’athlétisme de Dakar (Ciad), structure d’élite pour les athlètes (africains notamment), loin des siens. Bien que rude, la séparation a porté ses fruits: la Botswanaise s’y est perfectionnée, sous l’œil de son coach ivoirien Anthony Koffi.
En 2006, Amantle Montsho prenait la 2e place des championnats d’Afrique de 2006, derrière sa partenaire d’entraînement au Ciad Amy Mbacké Thiam, l’ancienne championne du monde adulée en Afrique. Un premier pas symbolique pour Montsho, appelée à reprendre le flambeau de son aînée.
Son potentiel se révèle: entre 2007 et 2010, la Botswanaise truste la première place de toutes les compétitions d’Afrique et signe des chronos de plus en plus encourageants. L'année 2010 confirme sa montée en puissance à plus grande échelle, quand elle se classe quatrième des championnats du monde en salle de Doha (Qatar).
Finalement, la récompense à tous ses efforts est là. A Daegu, Amantle Montsho a su résister au retour acharné d’Allyson Felix pour offrir à son pays sa première médaille d’or en athlétisme. L'Afrique savoure aussi, elle qui attendait une nouvelle sprinteuse championne du monde depuis 2001 et la victoire à Edmonton (Canada) sur 400 mètres d’une certaine… Amy Mbacké Thiam.
La nouvelle star du Botswana
Quelle métamorphose pour Amantle Montsho depuis les olympiades d'Athènes en août 2004. A l’époque, elle était cette jeune femme de 21 ans, première représentante du Botswana en athlétisme aux JO. Elle avait quitté la compétition dans l’anonymat, sortie dès la première série. Quatre ans plus tard, elle se hissait en finale et terminait dernière des Jeux de Beijing.
Autant dire que le rendez-vous est pris pour les JO de Londres, en 2012. Sa couronne mondiale lui confère d’office l’étiquette de prétendante à la plus haute marche du podium. A 28 ans, Amantle Montsho ne cache pas son ambition.
«Je dois me préparer très sérieusement pour les JO, car chaque année, de nouvelles concurrentes émergent. Je dois bien me mettre ça en tête et repartir m’entraîner dur», assure-t-elle.
Offrir au Botswana sa première médaille olympique lui assurerait un peu plus l’admiration de ses 1,8 million de compatriotes. Consciente de l’influence et de l’importance que peut avoir le sport dans les sociétés, Amantle Montsho veut être un modèle au sein de son pays:
«Dorénavant, je vais être un exemple pour les jeunes athlètes du Botswana. Ils travailleront durs, maintenant qu’ils m’ont vu gagner une médaille d’or.»
Le secrétaire général de l’Association botswanaise d’athlétisme, Legojane Kebaitse, loue le succès de la championne nationale et la lumière qu’elle jette sur la nation:
«Nous avons des diamants. Nous avons du bétail. Nous avions dit que nous voulions de l'or. Nous voulions trois médailles d'or et nous en avons une. Tous ceux qui souhaitent visiter l’Afrique peuvent maintenant voir qu’il y a de grands talents au Botswana.»
Amantle Montsho en est assurément un. Un joyau africain qui n’a sûrement pas fini de briller sur les pistes d’athlétisme.
Nicolas Bamba
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