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Neuf militaires tunisiens ont été abattus lundi 29 juillet, lors d’une embuscade tendue par un groupe terroriste près du Mont Chaâmbi.
Cette zone proche de l’Algérie fait l’objet d’une chasse à l’homme intense par l’armée, qui tente de neutraliser les groupes terroristes qui s’y cachent depuis décembre 2012. En mai 2013, plusieurs soldats ont été blessés ou tués par des engins explosifs cachés dans la région.
L’islamologue Mathieu Guidère, spécialiste des mouvements terroristes, livre son analyse des salafistes tunisiens dans un entretien accordé au Nouvel Observateur.
Sur le terrain, il a pu observer plusieurs factions terroristes. D’après lui, les combattants qui évoluent autour du Mont Chaâmbi sont en partie des membres du groupe salafiste Ansar al-Charia, en fuite depuis l’assassinat de Chokri Belaïd en février 2013. Il y aurait également une dizaine de djihadistes tunisiens chassés de Syrie et des salafistes algériens en provenance de Batna, une ville proche de la frontière tunisienne et centre d’activité d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
A cette «brigade de Batna», se sont joint les membres de la brigade Tarik ibn Ziad, ajoute le spécialiste: à l’origine dirigée par Abou Zeïd, un des chefs d’Aqmi tué dans l’intervention au Mali, elle a été quasiment décimée mais une trentaine d’activistes a fui le Mali vers la frontière algéro-tunisienne.
Selon Mathieu Guidère, les combattants reçoivent majoritairement leurs armes d’Al-Qaïda. Les terroristes algériens d’Aqmi leur ont fourni leur expertise sur le maniement des explosifs. Une preuve supplémentaire, d’après l’expert, que «la Tunisie est devenue un nouveau front pour Aqmi».
Le chercheur estime que le Premier ministre, Ali Larayedh, a «mal géré» le dossier. En 2012, alors ministre de l’Intérieur, il voulait intégrer les salafistes au gouvernement pour éviter leur radicalisation. Larayedh veut maintenant combattre fermement le terrorisme, mais ses hésitations ont profité aux combattants qui ont pu renforcer leurs défenses, explique l’islamologue.
Les postes-frontières ont donc été fermés et l’armée déployée. Mais la frontière algéro-tunisienne s’étend sur plus de 1.300 km, il est impossible de la sécurité entièrement, souligne Mathieu Guidère. D’autant plus que les unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme, formées sous Ben Ali, n’ont ni la préparation ni les équipements nécessaires pour combattre cette insurrection sur le terrain, insiste l’expert.
Selon le spécialiste, le gouvernement tunisien doit mettre en place d’urgence une stratégie «sérieuse, réelle et globale» dans la région du Mont Chaâmbi. Les terroristes y ont des abris et des bases d’entraînement, qui leur permettent de descendre peu à peu dans les villes des alentours, dans le gouvernorat de Kasserine. D’après le chercheur, les troupes de l’armée et de la police devraient être envoyées en nombre pour éviter que cette zone ne devienne un «foyer à l’algérienne», qui pourrait déstabiliser le pays.
Lu sur Le Nouvel Observateur