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Patrouille de la Seleka dans les rues de Bangui, 27 mars 2013 / REUTERS
Patrouille de la Seleka dans les rues de Bangui, 27 mars 2013 / REUTERS

La Centrafrique, un pays qui n'intéresse personne

Précarité alimentaire, péril sanitaire et insécurité... La RCA s'enlise sous le regard indifférent de tous.

Depuis son indépendance en 1958, la République centrafricaine connaît une instabilité politique chronique. Mais depuis la chute du président François Bozizé, en mars 2013, la crise humanitaire s’aggrave, dans l’indifférence de la communauté internationale, analyse le magazine des solidatités Youphil.

Pendant les dix ans de règne de Bozizé, ce pays de 4,5 millions d’habitants a vu grandir l’influence de la Seleka, une coalition de groupes rebelles visant à faire tomber Bozizé. Une fois celui-ci déchu, le nouveau président autoproclamé, Michel Djotodia, n’a pas su contrôler les milices de la Seleka, qui multiplient les pillages et les exactions à travers le pays.

La Centrafrique est dans une situation humanitaire catastrophique, avec une espérance de vie de 48 ans (la deuxième plus faible au monde), un taux de mortalité trois fois supérieur au seuil d’urgence humanitaire, et plus de 250.000 personnes déplacées ou réfugiées dans les pays voisins, d’après les chiffres de l’ONU et que détaille Youphil.

La situation sanitaire devient intenable: les centres médicaux sont abandonnés, l’approvisionnement en médicaments fait défaut, le paludisme se propage faute de remède… Le pays fait également face à une crise alimentaire de grande ampleur, due aux mauvaises récoltes et au pillage des semences, précise le reportage.

Indifférence et passivité

Malgré cette crise, la Centrafrique fait face au désintérêt de la communauté internationale. L’ONU ne s’engage pas clairement dans le pays —la visite d’un représentant, à Bangui, en avril 2013, n’est suivie d’aucune action concrète, selon Youphil. La complaisance des Nations unies envers le régime Bozizé a été punie par la Seleka: leurs locaux pillés, leurs agents «malmenés»… L’équipe présente sur place a été réduite à 40 agents.

Cette insécurité décourage aussi les bailleurs de fonds, peu enclins à apporter une aide qui serait détournée ou volée. Pourtant, d’autres pays corrompus par la violence, comme la Libye ou le Soudan, ont pu bénéficier d’une aide internationale, soutient Youphil, qui s’interroge surtout sur la conduite de la France à l’égard de la RCA.

En avril 2013, le président Djotodia sollicite l’aide de la France pour restaurer la sécurité dans le pays. Mais son appel reste lettre morte, contrairement à celui de son homologue malien Dioncounda Traoré, en janvier 2013.

Ce n’est donc pas la situation sécuritaire qui dicte l’inertie de la communauté internationale. D’après Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques, interrogé par Youphil, la RCA «représente un intérêt géostratégique très faible» pour la France: le pays est très pauvre, en dehors de quelques ressources minières et les échanges commerciaux entre les deux Etats atteignent à peine 52.000 euros par an, selon le Quai d’Orsay.

Enfin une réaction?

En juin 2013, la situation se dégrade tellement que la communauté internationale «paraît enfin se réveiller», indique Youphil: l’ONU annonce une aide d’urgence de 7 millions d’euros, tandis que l’Union européenne débloque une aide supplémentaire de 8 millions d’euros.

Deux représentantes des Nations unies et de l’UE se rendent en Centrafrique les 11 et 12 juillet 2013. Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale et à l'aide humanitaire, y exprime son désir de «faire bouger les choses». Elle veut être «porte-parole» de ce pays pour «porter la cause de la RCA à l’ONU».

Le magazine se réjouit de cette visite qui «marque le début d’une réaction internationale concertée», mais attend encore qu’elle soit confirmée par des actions concrètes.

Lu sur Youphil

Slate Afrique

La rédaction de Slate Afrique.

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