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Coiffures afro: le dress code d'Air France est-il raciste?
La compagnie est en conflit depuis 10 ans avec un steward, qui s'est fait faire des tresses africaines.
«Vos fiers cheveux ne doivent plus être des parties honteuses.» Tel est l’esprit de l’appel lancé, le 17 juillet par le Collectif Hair France, touche pas à nos racines!, un comité de soutien à Aboubakar Traoré, un steward de la compagnie Air France, qui s’est fait suspendre de vol parce qu'arborant des tresses, une coiffure «non réglementaire», selon la compagnie.
89 organisations, soutenues par diverses personnalités politiques et de la société civile ont signé cet appel adressé au gouvernement français, afin qu’il «mette un terme au racisme capillaire qui atteint aujourd’hui encore, en France, dans le monde du travail, les personnes d’origine africaine et caribéenne».
Mais de quoi s’agit-il exactement? Comment cette affaire de coiffure, a priori banale, se retrouve-t-elle au centre d’une polémique sur fond de soupçons de racisme?
Pour bien comprendre, il faut remonter à 1998, lorsqu'Aboubakar Traoré, un Franco-Ivoirien, est recruté comme personnel navigant commercial (steward donc) chez Air France. En 2002, il commence à arborer une coiffure que la compagnie va considérer comme étant non conforme au dress code du personnel navigant: des tresses africaines.
Sur ce point précis, le manuel de port de l'uniforme d’Air France souligne:
«Les cheveux doivent être coiffés de façon extrêmement nette. Classique et limitée en volume, la coiffure doit garder un aspect naturel. Longueur limitée dans la nuque (et/ou) mèche limitée à mi-front.»
Air France estime donc que la coiffure d’Aboubakar Traoré n’est pas assez «classique», même si lui et les associations qui le soutiennent jurent que les tresses qu’il porte depuis 2002 sont petites et serrées sur le crâne, et donc conformes au règlement intérieur.
A partir de 2004, la situation se dégrade entre le steward et son employeur, et en 2007, il est interdit de voler et aurait été mis face à une alternative: se faire couper les cheveux ou porter une perruque.
«Je me sentais ridicule, humilié, à chaque fois que je la portais, c’était une blessure», confie le steward au journal La Croix, en avril 2012.
Dans un reportage sur la chaîne France Ô, il ajoute que les dreadlocks qu’il porte ne sont pas une simple coiffure, mais «l’histoire d’un combat identitaire, une affirmation de soi».
Aujourd’hui, alors qu’il est âgé de 39 ans, Aboubakar Traoré a épuisé toutes les voies de recours et est sous le coup d’une sanction disciplinaire. L'affaire a été portée devant le tribunal des prud’hommes pour «atteinte à la dignité et discrimination».
La direction d’Air France estime toujours que la coiffure d'Aboubakar Traoré ne présente pas un aspect naturel. Or, toujours d'après le dress code d’Air France, la compagnie autorise les personnes aux cheveux crépus à se les faire défriser.
Slate Afrique