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Les visages de la transition en Egypte
Portraits croisés de deux personnages-clés de l'Egypte post-Morsi: Hazem el-Beblaoui et Mohammed El-Baradei.
La transition est laborieuse, mais c’est officiel: l’Egypte s’est dotée d’un gouvernement. Le 9 juillet 2013, le président par intérim, Adly Mansour, a nommé Mohammed El-Baradei vice-président et accordé le poste de Premier ministre à Hazem el-Beblaoui.
Al-Beblaoui, l’économiste libéral
Hazem el-Beblaoui n’est pas un inconnu pour les Egyptiens. Cet économiste de 76 ans a déjà fait partie du gouvernement de transition d’Essam Charaf, de juillet à décembre 2011, en tant que ministre des Finances et vice-Premier ministre.
Dès le mois d’octobre, il présente sa démission en signe de désaccord à la répression subie par des manifestants coptes et quitte effectivement le gouvernement en décembre à la suite d’un remaniement.
Diplômé de l’université du Caire en 1957, Hazem el-Beblaoui poursuit ses études à Paris et à Grenoble. Son doctorat lui permet d’enseigner l’économie à l’université d’Alexandrie à partir de 1965. En 1980, c’est une carrière internationale qui s’ouvre à lui: il travaille à la Banque industrielle du Koweit, puis entre à l’ONU pour devenir secrétaire exécutif de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale. A partir de 2001, il s’installe à Abou Dhabi en tant que conseiller du Fonds monétaire arabe, jusqu’à ce que ses fonctions politiques le rappellent en Egypte, en 2011.
Membre fondateur du parti social-démocrate égyptien, le nouveau Premier ministre est connu pour ses positions très libérales. Il a écrit de nombreux ouvrages sur le commerce international, dans lequel il défend ses idées sur le libre-échange et le respect de l’Etat de droit. Sa longue carrière dans les institutions internationales et sa grande connaissance des affaires économiques du Proche-Orient en font un atout pour la politique économique de l’Egypte, en grande difficulté.
El-Baradei, l’opposition laïque
Le nouveau vice-président de l’Egypte, qui a bien failli devenir Premier ministre, a également une grande carrière internationale derrière lui. Fondateur du parti de la Constitution (aussi nommé «al-Dostour»), ce diplomate égyptien a représenté l’opposition laïque pendant toute la période de règne de Mohammed Morsi.
Après des études de droit au Caire, ce fils d’avocat obtient un doctorat de droit international à l'université de New-York en 1974 et entame une carrière diplomatique: chargé du contrôle des armes au sein de l’ONU, assistant spécial du ministre égyptien des Affaires étrangères.
Son parcours à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) commence dès 1984 en tant que membre du secrétariat, puis assistant du directeur général pour les relations extérieures. Il est élu directeur général en 1997, et reconduit pour de nouveaux mandats en 2001 et 2005. En 2003, il ose s’opposer à l’administration Bush sur la légitimité de la guerre en Irak. Son travail contre la prolifération nucléaire sera récompensé par le prix Nobel de la paix en 2005.
Le diplomate rentre en Egypte en 2010, peu avant la chute de Moubarak. Très respecté à Washington et dans le monde occidental, il incarne aussi un espoir pour les manifestants égyptiens, qui brandissent son portrait dans les rues. El-Baradei annonce vouloir se présenter à l’élection présidentielle mais renoncera finalement, arguant d’une transition «non-démocratique» menée par l’armée.
A force de patience, son engagement politique finit par trouver une place au gouvernement. Le 8 juillet 2013, à la suite de la prise de pouvoir par l’armée, Mohamed El-Baradei est nommé vice-président et est également chargé de la conduite de la politique diplomatique du pays. Ses convictions démocratiques et laïques lui valent l’inimitié des islamistes mais peuvent représenter exactement ce que cherche la population égyptienne, lassée des Frères musulmans.
Anna Romani