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La face cachée du vin sud-africain
Qu’y a-t-il derrière les beaux paysages, les robes colorées et les dégustations prisées des vins sud-africains? Souvent, des ouvriers agricoles aux conditions de vie misérables voire inhumaines, rapporte le Guardian le 23 août. Le quotidien britannique se fait l’écho d’un rapport de l’association indépendante Human Rights Watch (HRW) dans la région du Western Cap, principal secteur viticole du pays.
L’étude de 96 pages a été réalisée sur la base de 260 entretiens auprès, entre autres, d’ouvriers, de propriétaires de domaines vinicoles et de représentants de l’industrie. Elle décrit des ouvriers parfois maltraités par des employeurs, qui les empêchent de se désaltérer ou se rendre aux toilettes pendant les heures de travail. Plus grave encore: faute de protection lors de l’exposition aux insecticides, la santé des ouvriers des vignes d'Afrique du Sud pourrait être mise en danger.
De plus, les travailleurs qui vivaient habituellement sur le domaine viticole avec leur famille dans le cadre d’un arrangement avec l'employeur sont depuis quelques années expulsés ou forcés à partir. Leurs droits fonciers ont beau être protégés par la loi depuis 1997, le nombre d’expulsions aurait atteint 930.000 entre 1994 et 2004.
Les représentants de l’industrie du vin sud-africain contestent ces conclusions et estiment que des progrès notables ont été réalisés. Mais les textes de loi régissant ce secteur d’activité et garantissant les salaires, la sécurité du travail et le droit au logement semblent ne pas être appliqués avec fermeté.
Car le gouvernement sud-africain a déjà été alerté sur ces abus en 2003 et 2008. HRW pointe d'ailleurs du doigt une «entente» possible entre l’Inspection du travail sud-africaine et la principale association de fermiers, afin que les inspecteurs minimisent les violations constatées.
Pour ne rien arranger, les ouvriers des exploitations viticoles sont faiblement syndiqués. Pas plus de 3%, contre dix fois plus dans l’ensemble du secteur formel national. Certains fermiers vont même jusqu’à dissuader leurs employés de s’organiser en syndicat, bien que ce soit un droit inscrit dans la Constitution.
Daniel Bekele, directeur Afrique de HRW, s'indigne et dénonce la situation des ouvriers:
«La richesse […] que produisent ces travailleurs ne doit pas prendre ses racines dans la misère humaine.»
Il exhorte surtout les acteurs de la filière à agir avec fermeté pour obliger les exploitants à changer leurs pratiques:
«La réponse n'est pas le boycott des produits sud-africains, qui pourrait s'avérer désastreux pour les travailleurs agricoles. Mais nous demandons aux détaillants de faire pression sur leurs fournisseurs, pour s'assurer qu'il y a des conditions décentes dans les fermes qui produisent ce qu'ils achètent et vendent à leurs clients.»
L’Afrique du Sud est le 7e producteur de vin mondial, avec 1,7 milliard de bouteilles vendues par an. Le pays exporte aux Etats-Unis, au Canada et dans plusieurs pays d’Europe.
Lu sur Guardian