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Presse/Justice : Secret d’instruction, présomption d’innocence et droit à l’information, l’infernale et incompatible équation

Pour la deuxième fois, des journalistes et des magistrats se sont trouvés face à face. Cette initiative, s’apprêtant apparemment à devenir une tradition annuelle, émane de la Cour de Cassation, qui ambitionne justement de briser un tabou longtemps verrouillé pour des raisons politiques, mais aussi pour des raisons liées à cette culture du mutisme qui a longtemps régné dans les tribunaux du pays. Aujourd'hui, il semble que l'on veuille plus de ces tribunaux ''fantômes'', isolés et déconnectés de l'évolution sociale et des mutations politiques !

 

Il semble également que le temps de l'ouverture et du dialogue a sonné pour tous. Les magistrats, comme d'ailleurs tous les acteurs institutionnels du Royaume, sont de plus en plus appelés à vivre le changement : la transparence et la réédition des comptes.

A Marrakech, et malgré la forte chaleur, des magistrats (un peu moins en nombre que l’année dernière) et des journalistes ont débattu de la responsabilité du journaliste dans le traitement des affaires judiciaires.

Sur ce registre bien précis, le Premier Président de la Cour de Cassation, Mostafa Farès, n'a pas fait dans la dentelle : "Nous ambitionnons dans le cadre d'une approche participative de promouvoir les outils de dialogue et d'ouverture pour l'intérêt général des citoyens". Il a ajouté dans le même sens qu'à travers cette initiative, la Cour de Cassation entend jeter les bases d'une coopération de longue durée entre la Justice et la presse : "L'indépendance de la Justice et la presse sérieuse et honnête, en mesure de dénoncer les dérives et les abus, sont deux partenaires pour le changement escompté… Ce sont les véritables partenaires en mesure de défendre et de promouvoir les valeurs de la démocratie, la justice et la réforme". Avant de clore son intervention, le Président de la plus haute juridiction du Royaume a exprimé son souhait de voir en ce séminaire une opportunité pour les journalistes présents d'améliorer leurs connaissances en la matière.

Pour commencer, les organisateurs ont préféré tout de même même rappeler l'importance de l'article 28 de la Constitution qui garantit les libertés de la presse et d'expression. On souligne à ce niveau que la neutralité et l'objectivité du journaliste sont deux conditions irréversibles pour une information saine et crédible, et l'on rappelle dans le même sens qu'aucun journaliste n'est censé ignorer la loi, vous l'aurez certainement compris ! Pour les organisateurs donc, il est important de s'armer de déontologie dans la profession, et d'un esprit analytique et juridique dans le traitement de l'information, pour se prémunir d'éventuelles poursuites.

Sur un autre registre, aux enjeux cette fois-ci d'ordre politique, on pointe du doigt la démarche communicative de certains responsables étatiques sur bon nombre de dossiers judiciaires. Il serait ainsi illégal d'informer sur un procès en cours d'instruction : "Il s'agit là d'une violation du principe du secret de l'enquête, ainsi que celui de la présomption d'innocence des accusés".

Benmoussa, Naciri, Cherkaoui, Belghiti et Laenser 

On estime également que seul le Parquet devrait au préalable disposer du droit d'informer sur les dossiers judiciaires : "Le parquet général veille sur les enquêtes préliminaires, et c'est bien lui qui est en mesure de s'enquérir de la nature des données de telle ou telle affaire", nous dit-on, tout en dénonçant sans réserve la communication qualifiée de clandestine presse/PJ.

On considère toutefois que l'indépendance de la Justice ne serait garantie par la Constitution ou le système judiciaire dans son ensemble, car elle concerne en premier et dernier ressort la personnalité du juge, qui ne peut en aucun cas bénéficier d'un quelconque respect ou de crédibilité s'il est dépourvu d'une personnalité indépendante.

En plus clair, les différents intervenants reconnaissent que le secret d'instruction et des PV n'est pas respecté dans la plus part des cas, même au niveau des ministères de l'Intérieur, de la Justice et de la Communication. En attestent les communiqués du ministère de l'Intérieure et les déclarations du ministre de la Communication sur un certain nombre de dossiers, notamment ceux du terrorisme : "C'est une pratique illégale, alors que le plus flagrant est la reconstitution du crime en présence de médias". De ce fait, M. Farès estime que s'il y a nécessité d'informer sur un quelconque événement, il faut que cela se fasse de manière légale. Il s'agit toutefois d'une grande interrogation pour les journalistes présents, pour qui tout cela serait que de la poudre aux yeux tant en pratique, la curiosité, le scoop et l’envie même des responsables de communiquer sur telle ou telle affaire, démontre clairement que tout le monde trouve son compte dans le non-droit !

Mohamed El Khadraoui, conseiller à la Cour de Cassation, se veut quelque part compréhensif de l’enjeu réel en la matière : "A l'heure d'une presse électronique qui agit dans l'immédiateté pour informer en temps et en heure, et aussi d'un domaine de plus en plus concurrentiel, le journaliste se trouve souvent dans l'obligation d'informer sans attendre le prononcé des verdicts… Sachant toutefois que des informations sur une affaire en cours d'instruction sont le plus souvent données çà et là".

Le législateur, cet absent présent !

C'est dire, d'après lui, que l'enjeu n'est pas aussi clair que le laisse présager l'esprit de la loi. Toujours selon lui, aujourd'hui, il est extrêmement important de mettre en place auprès des tribunaux des interlocuteurs qualifiés et capables d'informer et de donner des explications juridiques aux journalistes sur telle ou telle affaire.

Et pour ce qui est de la diffamation, les différents intervenants ont bien souligné qu'entre la garantie de la liberté d'expression et la protection de la dignité et la vie privée des individus, le législateur fait souvent mine de ne rien savoir, sans pour autant apporter des réponses législatives convaincantes. Dans des conditions pareillement délicates, on explique que le juge, qui reste un être humain, devrait être au préalable assez qualifié et assez compétent pour trancher. L'éthique et la déontologie de la profession, dit-on, restent souvent des outils à prendre en considération par le juge dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.

Pour les journalistes participant, il a été question d'un certain nombre de sujets dont, entre autre, la diffamation, la vie privée des personnalités publiques, les peines privatives des libertés et l'emprisonnement des journalistes, les contraintes de la profession qui consiste à dénoncer l'incompétence et la malhonnêteté des responsables, le droit de critiquer, la problématique d'accès à l'information au niveau des tribunaux, l'indépendance des juges dans des affaires de diffamation et dans les procès politiques ou de terrorisme, la qualité des jugements, la compétence et le professionnalisme du juge marocain, le cours des affaires sur les scandales financiers "bizarrement" non encore achevées…

A ces questions et à bien d'autres, les magistrats participant ont donné des éléments de réponses, mais tout en plaidant pour une révision de la réglementation des mécanismes de l'exercice de la profession de journaliste. Ils ont également conseillé aux journalistes aussi d'agir dans les règles de l'art. L'indépendance des juges, disent-ils, reste indispensable pour avancer dans le bon sens.

Justement, ce bon sens, durant les deux jours de ce séminaire, les participants ont tous voulu y croire…très fort.

Hassan Zaatit

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Les baskets d’El Khadraoui !
"Le juge a besoin d’un texte juridique clair et précis pour mener à bien sa mission. C’est en fait comme un athlète qui, pour bien courir, a besoin de bonnes baskets".  

Jamal Serhane le juge d’instruction  
"Concernant les différentes déclarations ou communiqués émanant des milieux étatiques, le problème est que les accusés ne procèdent pas à intenter des procès pour non-respect du droit de présomption d’innocence que la cour de cassation égyptienne considère comme étant une diffamation susceptible de poursuite judiciaire". Il ajoute que l’application de cette mesure impliquerait une bonne partie des journalistes et des responsables.

Chami de la DGSN…tout simplement !
"Concrètement et pour renforcer les liens de rapprochement entre  la police et la presse, des cellules de communication ont été créées à travers les différentes préfectures de police du pays. Cette initiative s’inscrit parfaitement dans la nouvelle approche du sécuritaire selon laquelle la communication sécuritaire est non pas une affaire d’Etat, mais un droit d’intérêt général".

La Nouvelle Tribune

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