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Financement des partis politiques : Le pouvoir de l’argent
L'ex-trésorier général de l'Uden a révélé, devant le Tribunal, que l'argent (plus de 131 millions de francs Cfa) détourné des caisses de ce syndicat pour lequel il est poursuivi a servi à financer des activités politiques de la Ligue démocratique (Ld). Vrai ? Faux ? Dans tous les cas, cette révélation repose le débat sur le financement des partis politiques.
L'argent ne fait pas gagner une élection, mais il joue un rôle déterminant dans la conquête du pouvoir. Les partis politiques ne l'ignorent pas, même s'il leur est difficile de lever des fonds de manière transparente. Le principe des cotisations des responsables n'attire pas. La vente de cartes de membre n'offre que de faibles recettes à la comptabilité d'une formation politique. Pourtant, ils veulent se donner les moyens de leurs ambitions politiques à tout prix, quitte à subir des déboires judiciaires. L'aveu de l'ancien trésorier général de l'Union démocratique des enseignants et enseignantes du Sénégal (Uden), Amadou Sall, lors de son procès pour détournement présumé de plus de 131 millions de francs Cfa, mardi dernier, n'est pas vide d'enseignements et de gravité. En effet, au-delà des accointances dangereuses entre les syndicats et les partis politiques, le mis en cause a mouillé la Ligue démocratique (Ld). Ses propos remettent au grand jour la question du financement des partis politiques. «Entre mai 2006 et mai 2011, 30 millions», dit-il, ont servi aux activités politiques de la formation politique dirigée par Abdoulaye Wade. Le porte-parole des Jallarbistes n'a pas tardé à démentir.
Les 30 millions de Wade à And jëf
Le mal est plus profond. La comptabilité des partis politiques vit de transactions obscures, mais révélatrices des positions des instances. Identifier le bailleur d'une organisation permet une lecture claire des influences, des ambitions et des orientations. Au Sénégal, le chef du parti est souvent le premier financier. Ceci est d'autant plus vrai qu'il est presqu'impossible de vivre une alternance à la tête des formations politiques. La faille toute trouvée est la fronde ou la scission entre les numéros 1 et 2. Le cas de And Jëf est encore frais dans les mémoires. L'ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye avait révélé que Landing Savané encaissait une somme mensuelle de 30 millions de francs Cfa des mains de Abdoulaye Wade. Ce qui serait d'ailleurs l'une des principales raisons du clash entre lui et Mamadou Diop «Decroix». L'argent a toujours raison. La démocratie sénégalaise trouve ses limites à ce niveau.
La «tontine» de la Cap 21
Sous le régime libéral, le Pape du Sopi finançait une «tontine», sorte de «salaire» puisé des profondeurs de la caisse noire, au profit des membres de la Cap 21, structure regroupant alors l'essentiel de ses alliés. Cette question de financement des partis politiques rejoint encore une disposition constitutionnelle jusque-là non appliquée : le statut du chef de l'opposition qui consacre des avantages au parti le plus représentatif. Mais l'application bute encore sur les égo surdimensionnés des différents acteurs de l'opposition. L'éternelle rivalité entre Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng n'a pu, dès les premières années de l'alternance de 2000, faciliter la concrétisation de cet aspect démocratique. Le leader du Ps revendiquait son nombre de voix à l'issue des Législatives de 2001, alors que celui de l'Afp, avec ses 11 députés contre 10 pour Tanor et Cie, se voyait tout au moins chef de l'opposition parlementaire.
La psychose de la «fortune» du Pds
Le Parti démocratique sénégalais (Pds) est le maître de l'opposition aujourd'hui aussi bien avec son groupe parlementaire qu'avec son capital de voix. Mais le financement reste encore une équation. Dans les salons politiques, l'on murmure de petites craintes : «Ils ont quitté le pouvoir, mais ils restent financièrement puissants pour faire mal au nouveau pouvoir.» Dans la majorité, on recrute à coup de millions de nouveaux transhumants. Plus loin, invité de l'émission Point de vue de la Rts, le directeur des structures du parti présidentiel, Mbaye Ndiaye, avait fait une déclaration révélatrice d'un goût du clientélisme qui mine la transparence dans le financement des partis politiques. A son avis, et en substance, quand un parti arrive au pouvoir, sociologiquement, il y a un avantage pour lui de voir nombre d'entre eux le rallier.
Le Pit contre le financement des partis
Le Parti de l'indépendance et du travail (Pit) s'est toujours opposé à un financement public des partis politiques. «Il risque d'augmenter le train de vie de l'Etat», avaient répondu les camarades de Amath Dansokho. La vulnérabilité financière des formations politiques ouvre la porte aux groupes de pression. Il est courant d'entendre des accusations du genre : «Tel leader est le candidat de telle organisation ou de tel lobby.» Le secrétaire général du Pit, Maguette Thiam explique : «Si le pouvoir en use et en abuse jusqu'à promouvoir un candidat de l'opposition pour ses propres intérêts, cela peut être dangereux. A l'occasion de la quête de suffrage, l'argent peut être utilisé pour corrompre, distraire ou acheter les consciences. Ce qui est dangereux.» M. Thiam est convaincu, en effet, qu'«un parti politique doit avoir son autonomie», et «le jour où il accédera au pouvoir, il gère le pays avec les ressources de la République».
Wade à Idy : «Nos soucis d'argent sont terminés»
Cette culture politique est mal vécue au Sénégal. L'Etat devrait envisager une subvention aux partis politiques à condition que ceux-ci participent au renforcement de la citoyenneté. Cela suppose, pour y arriver, une rationalisation des 211 partis, officiellement listés. L'électeur sénégalais est appelé à choisir parmi des «entrepreneurs» dont les appareils politiques qu'ils dirigent sont souvent des instruments de marchandage. Ils y investissent leurs billes. Une fois au pouvoir, «les soucis d'argent sont terminés», comme l'avait souligné Abdoulaye Wade à son directeur de Cabinet, Idrissa Seck. L'Etat demeure le lieu du «repas» et d'amortissement de l'investissement politique.
Macky et le «bailleur» Harouna Dia
Pendant plusieurs mois, l'on a prêté au richissime Harouna Dia la possibilité d'orienter et de fléchir les décisions du successeur de Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, sous prétexte de l'avoir «soutenu financièrement». L'homme recommanderait même des Cv à Macky Sall pour «employer» ses hommes. Le choix de son frère, Daouda Dia, comme questeur de l'Assemblée national, est perçu par certains comme un retour de l'ascenseur que le candidat de Macky2012 aurait emprunté pour arriver au sommet du pouvoir. Et c'est là un débat qui se prolonge jusque dans le code électoral qui prévoit les conditions de recevabilité des candidatures aux différentes élections. La Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) a, dans son cahier des charges, la révision du statut et du financement des partis politiques.
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L'argent ne fait pas gagner une élection, mais il joue un rôle déterminant dans la conquête du pouvoir. Les partis politiques ne l'ignorent pas, même s'il leur est difficile de lever des fonds de manière transparente. Le principe des cotisations des responsables n'attire pas. La vente de cartes de membre n'offre que de faibles recettes à la comptabilité d'une formation politique. Pourtant, ils veulent se donner les moyens de leurs ambitions politiques à tout prix, quitte à subir des déboires judiciaires. L'aveu de l'ancien trésorier général de l'Union démocratique des enseignants et enseignantes du Sénégal (Uden), Amadou Sall, lors de son procès pour détournement présumé de plus de 131 millions de francs Cfa, mardi dernier, n'est pas vide d'enseignements et de gravité. En effet, au-delà des accointances dangereuses entre les syndicats et les partis politiques, le mis en cause a mouillé la Ligue démocratique (Ld). Ses propos remettent au grand jour la question du financement des partis politiques. «Entre mai 2006 et mai 2011, 30 millions», dit-il, ont servi aux activités politiques de la formation politique dirigée par Abdoulaye Wade. Le porte-parole des Jallarbistes n'a pas tardé à démentir.
Les 30 millions de Wade à And jëf
Le mal est plus profond. La comptabilité des partis politiques vit de transactions obscures, mais révélatrices des positions des instances. Identifier le bailleur d'une organisation permet une lecture claire des influences, des ambitions et des orientations. Au Sénégal, le chef du parti est souvent le premier financier. Ceci est d'autant plus vrai qu'il est presqu'impossible de vivre une alternance à la tête des formations politiques. La faille toute trouvée est la fronde ou la scission entre les numéros 1 et 2. Le cas de And Jëf est encore frais dans les mémoires. L'ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye avait révélé que Landing Savané encaissait une somme mensuelle de 30 millions de francs Cfa des mains de Abdoulaye Wade. Ce qui serait d'ailleurs l'une des principales raisons du clash entre lui et Mamadou Diop «Decroix». L'argent a toujours raison. La démocratie sénégalaise trouve ses limites à ce niveau.
La «tontine» de la Cap 21
Sous le régime libéral, le Pape du Sopi finançait une «tontine», sorte de «salaire» puisé des profondeurs de la caisse noire, au profit des membres de la Cap 21, structure regroupant alors l'essentiel de ses alliés. Cette question de financement des partis politiques rejoint encore une disposition constitutionnelle jusque-là non appliquée : le statut du chef de l'opposition qui consacre des avantages au parti le plus représentatif. Mais l'application bute encore sur les égo surdimensionnés des différents acteurs de l'opposition. L'éternelle rivalité entre Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng n'a pu, dès les premières années de l'alternance de 2000, faciliter la concrétisation de cet aspect démocratique. Le leader du Ps revendiquait son nombre de voix à l'issue des Législatives de 2001, alors que celui de l'Afp, avec ses 11 députés contre 10 pour Tanor et Cie, se voyait tout au moins chef de l'opposition parlementaire.
La psychose de la «fortune» du Pds
Le Parti démocratique sénégalais (Pds) est le maître de l'opposition aujourd'hui aussi bien avec son groupe parlementaire qu'avec son capital de voix. Mais le financement reste encore une équation. Dans les salons politiques, l'on murmure de petites craintes : «Ils ont quitté le pouvoir, mais ils restent financièrement puissants pour faire mal au nouveau pouvoir.» Dans la majorité, on recrute à coup de millions de nouveaux transhumants. Plus loin, invité de l'émission Point de vue de la Rts, le directeur des structures du parti présidentiel, Mbaye Ndiaye, avait fait une déclaration révélatrice d'un goût du clientélisme qui mine la transparence dans le financement des partis politiques. A son avis, et en substance, quand un parti arrive au pouvoir, sociologiquement, il y a un avantage pour lui de voir nombre d'entre eux le rallier.
Le Pit contre le financement des partis
Le Parti de l'indépendance et du travail (Pit) s'est toujours opposé à un financement public des partis politiques. «Il risque d'augmenter le train de vie de l'Etat», avaient répondu les camarades de Amath Dansokho. La vulnérabilité financière des formations politiques ouvre la porte aux groupes de pression. Il est courant d'entendre des accusations du genre : «Tel leader est le candidat de telle organisation ou de tel lobby.» Le secrétaire général du Pit, Maguette Thiam explique : «Si le pouvoir en use et en abuse jusqu'à promouvoir un candidat de l'opposition pour ses propres intérêts, cela peut être dangereux. A l'occasion de la quête de suffrage, l'argent peut être utilisé pour corrompre, distraire ou acheter les consciences. Ce qui est dangereux.» M. Thiam est convaincu, en effet, qu'«un parti politique doit avoir son autonomie», et «le jour où il accédera au pouvoir, il gère le pays avec les ressources de la République».
Wade à Idy : «Nos soucis d'argent sont terminés»
Cette culture politique est mal vécue au Sénégal. L'Etat devrait envisager une subvention aux partis politiques à condition que ceux-ci participent au renforcement de la citoyenneté. Cela suppose, pour y arriver, une rationalisation des 211 partis, officiellement listés. L'électeur sénégalais est appelé à choisir parmi des «entrepreneurs» dont les appareils politiques qu'ils dirigent sont souvent des instruments de marchandage. Ils y investissent leurs billes. Une fois au pouvoir, «les soucis d'argent sont terminés», comme l'avait souligné Abdoulaye Wade à son directeur de Cabinet, Idrissa Seck. L'Etat demeure le lieu du «repas» et d'amortissement de l'investissement politique.
Macky et le «bailleur» Harouna Dia
Pendant plusieurs mois, l'on a prêté au richissime Harouna Dia la possibilité d'orienter et de fléchir les décisions du successeur de Abdoulaye Wade à la magistrature suprême, sous prétexte de l'avoir «soutenu financièrement». L'homme recommanderait même des Cv à Macky Sall pour «employer» ses hommes. Le choix de son frère, Daouda Dia, comme questeur de l'Assemblée national, est perçu par certains comme un retour de l'ascenseur que le candidat de Macky2012 aurait emprunté pour arriver au sommet du pouvoir. Et c'est là un débat qui se prolonge jusque dans le code électoral qui prévoit les conditions de recevabilité des candidatures aux différentes élections. La Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) a, dans son cahier des charges, la révision du statut et du financement des partis politiques.
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