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L'ONU a aidé à sauver la Côte d’Ivoire
En s'en tenant aux principes reconnus par la communauté internationale, l'ONU a pu restaurer la primauté du droit.
Le 29 avril 2011, l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki présentait un rapport inexact des événements récents en Côte d’Ivoire. Le fait de défendre la tentative de l’ancien président Laurent Gbagbo pour contrecarrer la volonté du peuple ivoirien est surprenante.
Après l’expiration du mandat de Gbagbo en 2005, les Ivoiriens, les dirigeants africains et la communauté internationale ont mis cinq ans à trouver une solution politique. Grâce à l’accord de Pretoria, signé en 2005 sous l’égide du président Mbeki et à l’accord de Ouagadougou en 2007, les parties ivoiriennes ont totalement géré le processus de paix. Ce sont elles qui ont dicté le rythme, les échéances et les solutions à tous les obstacles.
Les élections présidentielles de 2010 en Côte d’Ivoire ont été reportées à plusieurs reprises à cause de l’insuffisance des progrès en matière de désarmement et de réunification. En août 2010, cependant, Laurent Gbagbo a signé, sans aucune pression extérieure, un décret fixant la date du premier tour des élections au 31 octobre. Cette étape a été approuvée par tous les acteurs concernés, qui ont reconnu que tout délai supplémentaire pourrait entraîner des violences.
Le premier tour a constitué une étape importante. Laurent Gbagbo, qui est apparu comme le candidat arrivant en tête, a exprimé sa gratitude à Choi Young-jin, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour son rôle dans la certification des résultats électoraux.
Le second tour s’est déroulé le 28 novembre et Choi Young-jin a suivi la même procédure de certification que celle qu’il avait utilisée lors du premier tour. Son analyse était similaire à celle de la Commission électorale indépendante, qui désignait Alassane Ouattara comme vainqueur.
Le représentant spécial a également déclaré que les résultats proclamés par le Conseil constitutionnel, qui donnait la victoire à Laurent Gbagbo, n’étaient pas basés sur des faits, et qu’il avait arbitrairement annulé des résultats provenant du Nord, privant ainsi de leurs droits une partie importante de la population. Choi Young-jin a également indiqué que même si les plaintes de Laurent Gbagbo avaient été jugées recevables, Alassane Ouattara aurait quand même été déclaré vainqueur. La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine (UA), principales organisations régionales en Afrique de l’Ouest, ont soutenu la certification effectuée par le représentant spécial et approuvé les résultats annoncés par la Commission électorale.
La base juridique pour le mandat de certification de l’ONU vient de l’accord de Pretoria et de la déclaration ultérieure de sa mise en œuvre. Les Ivoiriens eux-mêmes étaient pleinement conscients que les élections allaient probablement se dérouler dans un climat de défiance et de manque de confiance envers les institutions concernées, et ils se sont alors tournés vers les Nations unies en tant qu’agent impartial. L’ONU est fière d’avoir rempli son rôle en accord avec les accords internationaux adéquats.
Au cours de la crise, certains ont demandé un recomptage des voix. L’idée qui se cachait derrière était d’ouvrir la voie à une «solution politique négociée» qui aurait conduit à un accord de partage du pouvoir. Une solution que le président Mbeki semblait favoriser —mais qui aurait constitué un précédent dangereux pour le continent et qui aurait sapé les principes de la démocratie. Il devrait y avoir une tolérance zéro pour les actes désespérés des dirigeants cherchant à rester au pouvoir contre la volonté du peuple.
Les violences postélectorales sont un résultat direct du refus de Laurent Gbagbo d’accepter sa défaite et de son rejet répété de tous les efforts entrepris pour trouver une solution pacifique. Les forces de sécurité qui lui étaient restées fidèles ont utilisé des armes lourdes contre des civils dans des communautés perçues comme des bastions du président Ouattara, contre les Casques bleus de l’ONU, et contre des partisans d’Alassane Ouattara à l’hôtel du Golf à Abidjan, qui fut durant la crise le siège temporaire du gouvernement légitime.
L'ONU a été impartiale, pas nécessairement neutre
Agissant avec le soutien unanime du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) a entrepris des opérations militaires limitées, effectuées strictement dans le cadre de son mandat, pour protéger les civils. Elle n’a jamais, à aucun moment, cherché à arrêter ou faciliter des opérations militaires d’un côté ou de l’autre. Tout au long de la crise, l’Onuci a entrepris tous les efforts pour mettre en œuvre son mandat d’une manière impartiale et pour protéger les civils, quelle que soit leur affiliation politique. La mission a assuré la sécurité à l’hôtel du Golf, tout comme elle protège actuellement Laurent Gbagbo et plus de 50 responsables de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI).
L’impartialité des Nations unies ne signifie pas la neutralité. Ses Casques bleus avaient la responsabilité d’agir face à d’éventuelles violations graves des droits humains et du droit humanitaire international. Le président Mbeki affirme que la crise confirme la marginalisation de l’Union africaine. En fait, l’UA a refusé de se laisser utiliser comme un vecteur pour une prise de pouvoir inconstitutionnelle, rehaussant ainsi sa légitimité.
La justification ultime de la position de principe prise par la Cédéao, l’UA et l’ONU est venue du Conseil constitutionnel ivoirien lui-même. Le 5 mai, son président Yao N’Dré a mis de côté les résultats «fabriqués» qui avaient été annoncés cinq mois auparavant, et il a proclamé Ouattara comme vainqueur légitime. Ce dernier a prêté serment le lendemain.
Les élections, en tant que telles, ne seront jamais une panacée pour résoudre les causes profondes d’un conflit. La réconciliation nationale ne sera pas facile en Côte d’Ivoire, mais le pays est sur la bonne voie pour retrouver son rôle de pilier de stabilité dans la sous-région. Les dirigeants africains qui souhaitent jouer un rôle constructif peuvent commencer en proposant un soutien à ce pays alors qu’il va de l’avant, plutôt que d’essayer de réorganiser des faits ou de réécrire l’histoire.
Vijay Nambia, chef de cabinet du Secrétaire général des Nations unies
Traduit par Sandrine Kuhn
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