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Samuel Eto'o face à Livourne en mars 2010. REUTERS/Alessandro Garofalo
Samuel Eto'o face à Livourne en mars 2010. REUTERS/Alessandro Garofalo

Eto'o, le choix de l'argent

Samuel Eto’o a rejoint le club russe d’Anzhi Makhachkala‎. Avec un salaire annuel de 20,5 millions d’euros, l’attaquant camerounais devient le footballeur le mieux payé de la planète.

Mise à jour du 24 août 2012: La star camerounaise de football Samuel Eto'o a été convoqué le 24 août 2012 en équipe nationale par le sélectionneur français Denis Lavagne, au terme d'une suspension disciplinaire de huit mois, a appris l'AFP de source officielle.

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Après l’Espagne et l’Italie, Samuel Eto’o va découvrir un nouveau pays. Le quadruple meilleur joueur africain foulera désormais les pelouses du championnat de… Russie. Le club d’Anzhi Makhachkala vient de s’offrir les services du buteur en échange d'un gros chèque.

Pour attirer le joueur, Anzhi Makhachkala a pu compter sur le compte en banque bien fourni de Suleiman Kerimov, propriétaire du club de la république du Daguestan et magnat du pétrole. L'Inter Milan a accepté de céder son avant-centre contre un chèque de 25 millions d’euros et divers bonus financiers. Samuel Eto’o, lui, touchera chaque année la coquette somme de 20,5 millions d’euros —hors contrats publicitaires.

Une offre qui ne se refuse pas

L’international camerounais et son nouvel employeur se sont mutuellement engagés pour une durée de trois ans. Autrement dit, l’attaquant a paraphé un contrat de plus de 60 millions d’euros. Du jamais vu dans l’histoire du ballon rond.

Samuel Eto’o devient ainsi le footballeur le mieux payé du monde, détrônant l'Anglais Wayne Rooney et ses 13.2 millions d’euros annuels —toujours hors contrats publicitaires. Dans le classement comprenant les revenus publicitaires, Lionel Messi reste le mieux loti.

Depuis 2004, le Lion Indomptable figure régulièrement en bonne place dans les classements des joueurs les mieux rémunérés. Maintenant leader  —et de loin, le Camerounais peut savourer sa situation et sa revanche sur le passé. En 1995, alors qu’il était adolescent et sans papiers, il était «refoulé» par le PSG et se faisait «expulser» vers son pays natal. Comme quoi, pour lui, la roue a bien tourné.

L’arrivée en Russie de la star nationale du Cameroun n’aurait pu se faire sans les deniers d’un homme: Suleiman Kerimov, richissime homme d’affaires russe, propriétaire de la société pétrolière Nafta Moscou. Aux commandes d’Anzhi Makhachkala depuis janvier 2011, l’oligarque marche sur les traces de son compatriote Roman Abramovitch, patron du club anglais de Chelsea. 118e fortune mondiale d’après Forbes, à égalité avec le clan Berlusconi, Kerimov est de toute évidence prêt à toutes les folies. Après le vétéran brésilien Roberto Carlos en février, la gâchette marocaine Mbark Boussoufa en mars et l’international russe Yuri Zhirkov début août, le voilà qui se paye l’un des meilleurs footballeurs des années 2000. Ce n’est pourtant la première fois que ce dernier fait l’objet d’une offre faramineuse.

En 2008, il était dans les petits papiers du champion d’Ouzbékistan: Kuruvchi Tachkent, rebaptisé FC Bunyodkor peu après. Alors en disgrâce à Barcelone, le Camerounais avait été accueilli comme un chef d’Etat lors de sa visite dans la capitale du pays d’Asie centrale. Il souhaitait s’assurer que la proposition des dirigeants de Kuruvchi était réelle: un contrat d’un an avec un salaire pharaonique de 40 millions d’euros, assorti d’une prime à la signature de 10 millions d’euros. Contrairement à Rivaldo, le Ballon d’Or 1999, Samuel Eto’o avait finalement refusé l’offre ouzbèke, en prétextant chercher un challenge sportif plus intéressant.

Aujourd’hui, son avis n’est visiblement plus le même.

Un gâchis sportif

Avec le FC Barcelone et l’Inter Milan, le champion olympique 2000 a goûté au summum du football. En sept ans, le Camerounais a inscrit quelques 183 buts pour ces deux clubs et conquis trois Ligues des champions, une Coupe du monde des clubs, quatre championnats et six coupes nationales. Un palmarès exceptionnel, à son image d’une certaine façon. Rien d’étonnant donc à ce que le scepticisme règne devant sa décision de rejoindre un championnat et un club loin de lui offrir toute la visibilité et la gloire qui sont siennes depuis des années.

A bien des niveaux, le championnat russe accuse un sérieux décalage avec le gotha du football européen. Au pays de Dimitri Medvedev, pour éviter le froid de l’hiver, on tape la balle entre mars et novembre, alors qu’à l’Ouest, la saison débute en août et s’achève au mois de mai de l’année suivante (l’Union russe de football devrait bientôt adopter ce calendrier).

La Russie, septième nation européenne d’après le coefficient UEFA, souffre d’un réel déficit d’image et de notoriété. Outre une couverture médiatique faible, le championnat national peine à séduire. Au mois de juin 2011, il était encore mis en lumière pour ses dérives racistes quand un «supporter» lança une banane à Roberto Carlos. Le défenseur brésilien, déjà agressé de la sorte à son arrivée, quitta alors le terrain, excédé et en larmes. Le genre de mésaventure que son nouvel équipier Samuel Eto’o a déjà connu par le passé.

Les clubs russes sont réputés pour attirer des joueurs prometteurs mais néophytes de l’élite du Vieux Continent. Cette méconnaissance leur sert parfois lors des compétitions continentales; certaines formations russes contrarient de temps à autres les cadors européens, peu au fait de leur niveau. Pas assez, cependant, pour se faire une place au soleil: la Russie revendique seulement deux finales européennes disputées et gagnées en Coupe UEFA 2005 et 2009.

Et Anzhi Makhachkala, dans tout ça? Peu d’informations sur un club qui fête ses 20 ans cette année. Passé de l’ombre à la lumière en quelques mois, le club de Suleyman Kerimov aspire à se hisser au niveau des meilleures formations nationales. Le palmarès des pensionnaires du Dinamo Stadium n’est riche que d’un titre de champion de seconde division. Et pour la saison 2011-2012, aucune compétition européenne n’est prévue au programme, la faute à une très moyenne 11e place décrochée lors du dernier championnat.

Après la ferveur de Barcelone et de Milan, Samuel Eto’o rallie une destination bien peu glamour, voire dangereuse. La République du Daguestan est régulièrement secouée par des attentats islamistes, et les enlèvements de personnalités y sont fréquents. Pour cette raison, les joueurs d’Anzhi s’entraînent et vivent à Moscou, à 600 kilomètres de là, et ne se déplacent à Makhachkala que pour y disputer leurs matchs à domicile.

Nul doute donc sur les motivations de Samuel Eto’o, qui aura en plus un jet privé à sa disposition. Quiconque aime le football regrette de voir un tel joueur mettre ses talents en hibernation, à seulement 30 ans. Peut-être le reverra-t-on sous le maillot d’un club plus huppé, si l’ennui et la frustration en Russie venaient à être plus forts que les chiffres de ses chèques.

Dans l'intérêt du sport, ce serait bien.

Nicolas Bamba

 

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Nicolas Bamba

Nicolas Bamba est un journaliste français, attaché au thème du sport notamment. Il a collaboré avec L'Equipe et Sports.fr

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