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«La corruption a sucé la sève de Sonatrach»
Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, est revenu hier, à l'issue du vote du projet de loi régissant la profession d'avocat, sur le phénomène de la corruption et le scandale qui a ébranlé Sonatrach. Le ministre a refusé d'emblée de révéler les noms des personnes impliquées dans ce scandale. Interrogé sur le sort de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, M. Charfi répond : «SVP ne me demandez pas de vous donner des noms, car jusqu'à preuve du contraire, tout individu est innocent tant que la justice ne se prononce pas sur son cas.» Et de préciser que des personnes sont placées sous mandat de dépôt, d'autres mises sous contrôle judiciaire : «Des aveux commencent à être recueillis par la justice et des sommes d'argent abritées dans des comptes à l'étranger feront l'objet d'actions pour être rapatriées.» S'agissant des affaires qui défraient la chronique depuis quelques années, connue sous le nom de Sonatrach I et Sonatrach II, le ministre a soutenu, concernant la première, que l'instruction judiciaire en cours a révélé qu'«un véritable réseau de corruption internationale dont les tentacules s'étendent à tous les continents suçait la sève de Sonatrach grâce à des mécanismes financiers complexes destinés à protéger les méfaits commis». «Ce réseau international de corruption, dont les ramifications s'étendent à tous les continents, visait à absorber la substance de Sonatrach», s'est alarmé M. Charfi face aux députés. La matrice de ce réseau est en train d'être progressivement noircie grâce à la coopération des magistrats des pays saisis par la justice algérienne. Dans le cadre de cette instruction, a expliqué le ministre, les autorités judiciaires algériennes ont, au cours de l'année 2012, échangé, en tant qu'Etat requérant ou en tant qu'Etat requis, des commissions rogatoires avec des autorités judiciaires étrangères, notamment françaises, suisses, italiennes et de Grande-Bretagne dont l'exécution a révélé des faits ne concernant pas le dossier de Sonatrach I et susceptibles de constituer les infractions de corruption et de blanchissement d'argent. Pour ce qui est de l'affaire Sonatrach II, le ministre répond à une interrogation concernant la lenteur dans le traitement de ce dossier, que la justice avance dans le respect de la loi, c'est-à-dire «lentement mais inexorablement», traquant, selon lui, la pieuvre dont les tentacules de plus en plus nettement configurées et la tête de plus en plus clairement identifiée. «Le temps de la justice peut paraître long par comparaison au temps de la presse qui donne à chaque fois des infirmations que la justice vérifie soigneusement. Cependant, il est impératif que l'action soit menée dans le strict respect du droit», a affirmé M. Charfi. Par ailleurs, le ministre annonce la préparation d'un avant-projet de loi modifiant la loi anticorruption pour renforcer les règles légales permettant la lutte contre les actes portant atteinte à la collectivité nationale et de récupérer, entre autres, les biens dilapidés tout en protégeant les témoins et les dénonciateurs. Sur la défensive, le ministre a précisé que l'ouverture d'une information judiciaire concernant Sonatrach II était intervenue en concomitance avec le traitement médiatique consacré à l'affaire en Algérie et en Italie. «Ce fait a conduit certains, par un raccourci qui est peut-être compréhensible, à considérer que la justice algérienne a été obligée de suivre le mouvement de l'opinion publique et donc il n'y avait pas de volonté réelle de rechercher la vérité au sujet des perversions dénoncées et d'en poursuivre les autres. Ceci est faux», justifie Charfi.