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Autant le dire… : Attention à la dérive langagière
Zéphirin Diabré doit policer davantage son langage et éviter de tomber dans les travers s'il veut avoir la sympathie du plus grand nombre de Burkinabè. La marche " réussie " du samedi 29 juin ne doit pas lui ôter la tête sur les épaules.
Bien au contraire. Car le plus dure reste à faire. Autrement, en déclarant sur les ondes de la " Radio mondiale " qu'est Radio France internationale (RFI) que Blaise Compaoré va nommer une trentaine de personnes au Sénat et en qualifiant ces gens de " vieux fatigués ", il risque de se mettre sur le dos une importante partie de la population burkinabè. Car, l'alternance qu'il veut, ne consiste pas à opposer de " plus jeunes " à de " plus vieux ", encore moins de " vieux fatigués " à de " jeunes moins fatigués ". Il pourrait ainsi commettre la même erreur que les " Jeunes révolutionnaires " dont il faisait partie (ou avec lesquels il a pactisé) à leur arrivée au pouvoir dans les années 1980. Il ne doit pas nécessairement apparaître comme celui qui ne veut pas qu'on désigne des chefs coutumiers et des religieux, des syndicats, des organisations de la société civile, des représentants du patronat au Sénat. Tout le monde sait le rôle combien important que ces gens-là (chefs coutumiers et religieux) ont joué et jouent dans l'apaisement des tensions sociales et politiques. Dans nos pays et même au-delà. Tout le monde sait, y compris surtout les hommes politiques, que c'est encore auprès de ces gens-là que chacun, après sa nomination et sa désignation à un quelconque poste de responsabilité, va chercher des bénédictions et des conseils.
Le Pr Joseph Ki-Zerbo disait bien à propos de ces personnes âgées qu'un " vieillard, même couché voit plus loin qu'un jeune débout ". Quant aux syndicats, ils sont parfois les faiseurs et défaiseurs des pouvoirs. Il faut donc pouvoir les manager. Leur non-participation officielle à la marche du 29 juin est un signal qu'il faut prendre en compte. En France, François Hollande a voulu s'attaquer frontalement au patronat faisant croire qu'elle amassait trop de richesse au détriment des masses sociales. Il a dû réviser un tout petit peu sa position après son élection.
Les problèmes que pose l'opposition pour récuser le Sénat ne sont pas à jeter à la poubelle. La vie est bien chère pour tout le monde, au Burkina et ailleurs dans la plupart des pays africains. C'est donc un problème beaucoup plus généralisé auquel il faut trouver une solution. Les problèmes des étudiants, et principalement de l'enseignement supérieur, sont bien réels. Le gouvernement le sait très bien que si ces questions ne trouvent pas de solutions dès à présent, elles pourront compromettre très dangereusement la paix sociale. Il en est de même des questions liées à l'emploi des jeunes et à un environnement sécurisé pour tous. Il n'est pas non plus moins indiqué que si on ne trouve pas de solutions aux difficultés des personnes " vielles et fatiguées ", la paix sociale peut prendre un sérieux coup.
C'est pourquoi, il semble évident, pour les uns et les autres, de travailler à faire comprendre et à faire adhérer le maximum de Burkinabè à des questions essentielles que de les opposer les uns aux autres. Dans tous les cas, la conquête du pouvoir se fait par les urnes. De ce fait, c'est l'électeur qui détermine le choix. Si c'est bien cela le cas, pourquoi les acteurs politiques ne veulent pas nous demander de leur venir au secours ? Un vote, quel que soit le prix qu'il va coûter, est toujours moins cher qu'une vie humaine (touchons du bois pour ne pas en arriver là).
Dabaoué Audrianne KANI
L'Express du Faso