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H’rig: Mourir à Gourourou

Depuis quelques temps tourne sur le Net une vidéo réalisée par une journaliste italienne, Sara Creta. Ce document est effroyable, tant il révèle la détresse et le drame de ces candidats au h'rig, venus des quatre coins d'Afrique subsaharienne pour tenter de traverser illégalement le Détroit ou franchir les barrières de barbelés qui entourent les présides occupées de Sebta et Mélilla.

Le film, d'une quinzaine de minutes, raconte la tragédie de plusieurs dizaines de Subsahariens, cachés dans les collines de Gourourou, juste en face de l'enclave espagnole de Mélilla.

On y voit et entend les témoignages de ces jeunes qui, le 11 mars dernier, ont tenté un passage en force juste en face de l'aéroport de l'enclave, dans la zone de Farkhana. Quelques dizaines ont réussi, mais d'autres, quoiqu'entrés à l'intérieur du préside, ont été rejetés en territoire marocain, après un passage à tabac en règle de la Guardia Civil, puis une seconde série de coups assénée par les Forces Auxiliaires, selon les témoignages des rescapés.

«Numéro 9» est le titre de ce documentaire, dédié à la mémoire de Clément, un Camerounais de 33 ans qui serait, selon ses compagnons d'infortune, décédé une semaine plus tard des suites des coups reçus en deçà et au-delà de la zone tampon.

Le film montre effectivement des hommes transporter un corps inerte dans une couverture, mais le plus terrible, ce sont les propos de ces malheureux qui vivent misérablement dans des buissons et des fourrés dans l'attente d'un hypothétique «assaut massif» contre les trois barrières de barbelés qui les séparent de cet «Eldorado», l'Espagne, où sévissent le taux de chômage le plus élevé d'Europe, une crise économique massive, l'austérité et les coupes sombres dans tous les budgets sociaux de l'Etat !

Au-delà du choc terrible que provoquent ces séquences et les témoignages de ces pauvres hères abandonnés de tous, des questions se posent.

1- Comment accepter que les Forces Auxiliaires récupèrent des migrants clandestins ayant déjà franchi les barbelés de la zone tampon?

Si les propos de ces témoins, aux corps lardés de blessures, sont vrais, la Guardia Civil espagnole et les Forces Auxiliaires marocaines coopèrent pour expulser des harragas qui, une fois à Mélilla, devraient bénéficier d'un accueil dans des centres de transit avant une éventuelle expulsion vers leur pays d'origine.

Existe-t-il un «accord secret» entre les forces de police des deux pays sans que Madrid et Rabat ne l'aient formellement et officiellement conclu ?

Il ne s'agit pas ici de l'éventualité de donner une suite favorable aux demandes répétées de l'Union européenne pour que le Maroc accepte de garder sur son territoire des migrants illégaux expulsés d'Espagne, mais d'une collaboration essentiellement répressive et violente qui n'a aucun fondement juridique et qui, de surcroît, bafoue totalement les propres lois et règles de la législation européenne en matière d'accueil des immigrants clandestins !

 

2- Que font nos autorités centrales et locales pour éviter que des zones inhospitalières comme celle de Gourourou, servent de «camp de base» à des centaines de Subsahariens dont, certains, selon leurs propres témoignages, sont cachés dans cette forêt au-dessus de Nador depuis plus de deux années?

Le Royaume a donc son «Sangate», mais, hormis les populations locales, qui ont déjà bien du mal à s'en sortir elles-mêmes, la présence de centaines de clandestins installés dans des campements de fortune, tabassés régulièrement et sauvagement par les uns et les autres, délestés de leurs maigres biens et de leurs papiers (selon leurs dires), ne semble guère gêner le Ministère de l'Intérieur et les autres institutions concernées.

 

3- Les candidats au h'rig, venus pour tenter le passage au péril de leur vie, sont des hommes et des femmes, dignes de respect, de considération, même s'ils sont en situation illégale.

Il est absolument scandaleux et intolérable qu'une chape de plomb, d'indifférence, de silence, voire de complicité passive, recouvre ce drame permanent que représente le campement de Gourourou, lequel n'est certainement pas le seul du genre entre Tanger et Oujda !

Certes, le Maroc ne saurait accueillir «toute la misère de l'Afrique», tout comme l'ex-Premier ministre français Michel Rocard avait refusé d'accueillir «toute la misère du monde».

Mais notre pays et son Administration, malgré la modicité des moyens, l'ampleur de ce phénomène, l'illégalité de la démarche des migrants qui sont surtout les victimes des réseaux mafieux de passeurs ne saurait ignorer ce problème.

Les autorités, centrales et locales ont l'impérieuse et incontournable obligation de traiter dignement ces hommes et ces femmes, de leur assurer le gîte et le couvert avant leur retour dans leurs pays d'origine, de leur apporter assistance et soins médicaux le cas échéant.

ET, SURTOUT,  de ne pas servir de matons auxiliaires aux gardes-frontières espagnols, à la Guardia Civil, qui les jette en dehors des enclaves après des passages à tabac sauvages, parfois mortels !

Selon le document filmé de Sara Creta, Clément, le jeune Camerounais, est mort à Gourourou des suites des coups reçus lors d'une tentative de franchissement des ceintures de sécurité qui entourent Mélilla.

Une telle tragédie ne doit plus se reproduire. Jamais plus !

 

Fahd YATA

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La Nouvelle Tribune

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